Terrible semaine pour le Parti Démocrate. Tandis que Donald Trump enchaînait les bonnes nouvelles, la première semaine des primaires démocrates a tourné au fiasco. Imbroglio autour des résultats du caucus de l’Iowa (7 jours nécessaires pour déclarer un vainqueur !!!), divisions exacerbées entre et à l’intérieur des camps modérés et progressistes, participation et engouement pour la primaire faible, l’âne, animal totem du parti démocrate, n’a jamais aussi bien représenté ce parti.

L’Iowa a 2 vainqueurs : Buttigieg et Sanders

Tout a fort mal débuté lors du caucus de l’Iowa. Dans mon tout premier article, je vous avais expliqué que le vote pyramidal des caucus était un système archaïque et complexe qui avait souvent provoqué surprises et contestations par le passé. Cette consultation n’a pas échappé à la règle et restera même dans les mémoires : 1 semaine pour déclarer un vainqueur, c’est presque du jamais vu (1 mois pour les Républicains en 2012, record à battre). Le coupable : la mise en place d’une application mobile censée remonter les résultats plus rapidement auprès de l’Etat. Malheureusement, cette appli, créée par d’anciens responsables de campagnes d’Hillary Clinton et financée, en grande partie, par les donateurs de Buttigieg, a planté et remonté des résultats incohérents tout au long de la soirée, obligeant le parti à revenir au comptage à la main des voix. Les supporters de Sanders ont tout de suite crié au complot anti-Bernie, voyant dans cette cacophonie la main des grandes pontes du parti démocrate, effrayé à l’idée de voir Sanders les représenter en Novembre prochain. Il n’en reste pas moins que 2 vainqueurs émergent de ce premier round : Buttigieg et donc Sanders.

En effet, si Sanders a remporté le plus de suffrages (26,8%), Buttigieg a réalisé la surprise en finissant 2ème de très près (25,3%). Toutefois, il est parvenu à remporter plus de délégués que Sanders (14 contre 12). Pourquoi ? Tout simplement parce que Buttigieg a remporté plus de districts que Bernie.

Nous pouvons tirer un premier enseignement des résultats de l’Iowa. Buttigieg est le candidat qui a fait le plus campagne en Iowa, comprenant l’importance de bien figurer dans cette première élection pour enclencher une dynamique pour la suite des primaires. En outre, Buttigieg a remporté le plus de voix dans les zones rurales et a su, à chaque fois, être le vote utile des modérés au détriment de Biden. Quant à Sanders, il est le candidat des grandes villes de l’Etat et des jeunes, mais qui se sont moins mobilisés que prévus. Warren solide 3ème, a fait le plein auprès des électrices et a récupéré plus du 1/3 des voix de Sanders lors du caucus de 2016. Enfin Biden, comme je le pressentais dans mon analyse de pré-campagne, n’a pas su mobiliser (et enthousiasmer) sur son nom. Il est le grand perdant de ce premier round et sa dynamique semble déjà cassée.

Débat du 07/02 : lutte à mort dans le camp modéré

La semaine a été marquée par le 9ème débat de la primaire qui a opposé 7 des 11 candidats : Sanders, Buttigieg, Warren, Biden, Klobuchar, Yang et Steyer. Si Yang et Steyer ont été extrêmement en retrait lors de ce débat, nous avons pu assister à un pugilat entre les 3 candidats modérés : Buttigieg, Biden et Klobuchar. A ce jeu là, c’est Klobuchar qui s’est démarquée, parvenant à tirer les flèches les plus acérées sur Buttigieg, en critiquant sa grande inexpérience et sa capacité à défier Trump cet automne. Klobuchar a réalisé un bon score en Iowa mais sa campagne est déjà en sursis et un mauvais résultat au New Hampshire pourrait la condamner. Elle aura fait ce qu’il fallait pour se donner un sursis en remportant ce débat. Sanders et Buttigieg ont également marqué des points, le premier pour avoir retrouvé sa place de leader incontestable du camp progressiste et le second pour avoir résisté aux attaques de Klobuchar et Biden. Biden et Warren ont, pour leur part, paru assommé par le résultat du caucus de l’Iowa. Sleepy Joe a même déclaré, pendant ce débat, qu’il allait reprendre une fessée au New Hampshire… La sortie de route semble proche pour le, déjà, ancien favori des sondages. Quant à Warren, il fallait finir devant Sanders en Iowa, elle a raté sa chance et se dirige vers un abandon inéluctable.

New Hampshire : Sanders en position de force

A quelques heures de la fin des votes au New Hampshire, que nous disent les sondages et les dernières dynamiques ?

Sanders, sénateur de l’Etat voisin du Vermont, fait la course en tête depuis plus d’un mois et devrait selon toute vraisemblance l’emporter seul dans cet état. Cependant, Buttigieg a la dynamique la plus favorable et profite de l’effet caucus en récupérant les intentions de vote de Biden. Le match devrait être plus serré pour la 3ème place entre Biden et Warren, en chute libre, et Klobuchar qui profite de son débat pour remonter au dernier moment. Parviendront-ils à obtenir plus de 15% et quelques délégués ? Rien n’est moins sûr et une nouvelle défaite sévère pour ces 3 là pourrait sonner le glas de leurs ambitions présidentielles.

Qui pourra se déclarer vainqueur demain matin ?

• Sanders pourra pavoiser demain s’il l’emporte largement. Une victoire étriquée ou une deuxième place seraient considérées comme un avertissement ou un échec.
• Buttigieg doit l’emporter pour s’imposer comme le leader de l’aile modérée. Une deuxième place lointaine pourrait stopper net la dynamique de l’Iowa et renforcer les doutes sur sa personne.
• Klobuchar doit finir 3ème avec 15% des voix sous peine de ne jouer qu’un rôle de figurant dès le caucus du Nevada et d’abandonner avant le Super Tuesday.
• Warren doit finir le plus proche possible du 2ème, si possible Sanders pour sauver sa peau.
• Biden doit se réveiller… il risque de finir à une humiliante 5ème place ce soir et il a déjà fui pour la Caroline du Sud, état où il a la meilleure chance de l’emporter.

Et la suite ? Bloomberg, en embuscade

Le caucus de l’Iowa ne représente qu’1% des délégués mais il a déjà bouleversé la donne. En effet, nous pouvons voir l’échec d’une stratégie, celle de Biden, qui a délibérément délaissé les 2 premiers votes, espérant écraser tout sur son passage ensuite… Mais en se faisant terrasser par un jeune, moderne et apprécié des médias, Biden a pris un coup terrible et il n’est pas sûr qu’il s’en remettra. Buttigieg n’est, cependant, pas encore le nouveau champion des modérés et nous manquons de données pour savoir si sa dynamique se poursuivra dans des états plus divers ethniquement comme le Nevada ou la Caroline du Sud. Sanders, à l’opposé, est tout proche d’unifier le camp progressiste et de devenir l’ennemi des apparatchiks du parti, inquiets de se faire représenter par un socialiste incorruptible (idéologiquement).

Un recours est encore possible pour les modérés. Un milliardaire tapi dans l’ombre, est en train de connaître son momentum dans les sondages : Bloomberg. Comme Trump en 2016, sa stratégie a été raillée et personne n’a pris ses chances de victoire au sérieux. Pourtant, entre un Biden en état de mort cérébrale et un Buttigieg un peu trop jeune, Bloomberg apparaît de plus en plus comme le candidat de secours idéal pour le camp modéré. Il est, aussi, le plus riche des candidats et il dépense méthodiquement le maximum d’argent pour triompher dans les Etats du Super Tuesday… A suivre donc.

Rendez-vous demain sur la page facebook pour mon débrief à chaud et mardi prochain pour l’épisode 2 de cette campagne…