Une semaine de campagne, Episode 1

Nous sommes à 7 semaines de l’élection folks ! Pour suivre au mieux la campagne au jour le jour, je vous relaterai, chaque mardi, les événements marquants de la semaine écoulée pour vous permettre de ne rater aucun des soubresauts de ce duel mortel. Au programme cette semaine, des succès diplomatiques, judiciaires et économiques pour POTUS, une barre symbolique franchie par le covid et un décès majeur. En effet, la campagne présidentielle connaît un tournant avec la mort de la juge de la Cour Suprême Ruth Bader Ginsburg à l’âge de 87 ans. Figure importante pour les progressistes, son remplacement devient un des enjeux majeurs de l’élection 2020 et pourrait remobiliser l’électorat catholique et évangélique autour de Trump…

Mardi 15/09 : Jour de gloire pour POTUS !

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Donald est content de lui

Succès diplomatiques, judiciaires et économiques pour POTUS pour démarrer la semaine. En effet, Donald Trump a fait signer les Abraham Accords qui marquent, peut-être, un tournant dans les relations diplomatiques de la région du Moyen-Orient. Ses accords entérinent la normalisation des relations entre :

  • Israël et les Emirats Arabes Unis
  • Israël et Bahrein
  • Entre tous les 3

Avec cet accord, Trump met momentanément fin aux critiques des démocrates et de ses alliés européens qui reprochaient à Trump de déstabiliser la région en favorisant en permanence les intérêts d’Israël (reconnaissance de Jérusalem comme capitale puis proposition d’accord de paix très désavantageux pour l’Etat Palestien). En réalité, Trump a fait de la realpolitik : Israël a normalisé ses relations avec les principaux pays du monde arabe depuis des années (Egypte, Arabie Saoudite, Jordanie) et seule l’Iran s’oppose encore frontalement à l’Etat israélien. En parvenant à ses accords, Trump renforce la stabilité de l’Etat d’Israël dans la région et isole un peu plus l’ennemi Iranien. Est-ce juste ou pas ? La loi du plus fort l’a emporté.

Deuxième bonne nouvelle pour Donald, sur le plan judiciaire, la cour d’appel fédérale a statué que l’administration Trump était en droit d’expulser des centaines de milliers de migrants qui disposaient, jusqu’alors, d’un statut de protection temporaire pour raisons humanitaires. Cette décision concerne 500 000 personnes provenant en majorité du Salvador, d’Haïti, du Nicaragua et du Soudan. Ce jugement lui permet de poursuivre la politique migratoire stricte pour laquelle il a été élu et contentera sa base électorale.

Enfin, sur le plan économique, on a appris que les revenus des Américains avaient fortement augmenté en 2019 et que le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté avait diminué. Le revenu médian a augmenté de 6,8% en 2019 et atteint désormais 68 700 $. C’est la plus forte hausse depuis 1967. En comparaison, la hausse était de 3,1% à la fin du règne d’Obama en 2016. Elle renforce sa position de candidat le plus crédible pour redresser l’économie, sujet numéro 1 des électeurs.

Il fallait tout de même que notre président américain préféré en sorte une bonne en ce jour historiquement bon pour lui. Trump s’est rendu en Californie où plus d’1 million d’hectares de forêt sont partis en fumée ces derniers jours. Face aux experts scientifiques qui le questionnaient sur le réchauffement climatique et ses conséquences, Trump a promis que la température allait bientôt baisser (believe me)…

Mercredi 16/09 : La campagne se fait dans les médias… et sur le terrain

Focus sur les chiffres fous de la campagne publicitaire télévisuelle des 2 candidats :

  • 716 millions de dollars ont déjà été dépensés en publicité TV dans 14 états clés (tous parmi les 18 états clés de ma série sur les Swing States) : 379 millions $ par Biden vs 337 millions $ par Trump.
  • 85% de cet argent est concentré dans 6 Etats : Floride, Pennsylvanie, Caroline du Nord, Michigan, Wisconsin et Arizona qui sont les 6 états jugés comme clés par les 2 candidats. Nous les verrons dans 6 des 7 derniers articles de ma série sur les Swing States. Biden y dépense 90% de son trésor de guerre contre 80% pour Trump.
  • Trump dépense 3 à 4 fois plus d’argent que Biden en Ohio, Géorgie et Iowa, états qu’il devrait conserver sauf déconvenue.
  • Trump est offensif dans 3 Etats démocrates où il a une chance : le Minnesota, le Nevada et le New Hampshire. En comparaison, Biden y dépense 2 fois moins d’argent.
  • Biden dépense de l’argent au Texas mais pas Trump qui doit considérer l’Etat comme acquis. A contrario, pas de dépenses pour Trump dans le Colorado qu’il considère comme hors de portée.

Sur le terrain, Biden accélère enfin et organise des meetings dans le Michigan, le Nevada et la Floride où il tente de combler son déficit au sein des communautés latinos par rapport à Hillary en 2016. En effet, les sondages lui promettent moins de 60% des voix quand Clinton en remportait plus de 65%. En Floride, on observe même que les cubains se rangent plus du côté de Trump que de Biden. Toutefois, les cubains ne sont pas les seuls hispaniques de la région et Sleepy Joe essaie de courtiser les Puerto-Ricains de Floride pour faire la différence en 2020.

Joe Biden joue « Despacito » sur son téléphone (et tente quelques pas de  danse) lors d'un meeting - actudaily
Biden, en meeting en Floride, lance la musique Despacito sur son Iphone pour gagner le cœur des latinos… Sacré Joe !

Pendant ce temps-là, Trump fait face à la Chine. Tandis que l’OMC déclare que les droits de douanes de Trump sur les marchandises chinoises enfreignent les règles du commerce international, l’administration Trump a annulé plus de 1 000 visas d’étudiants chinois au prétexte qu’ils constituaient une menace pour la sécurité intérieure américaine. On se croirait revenu à la Guerre Froide ! Cependant, il s’agit d’un thème de campagne porteur pour le président américain, jugé plus fort pour défendre les intérêts américains face à la Chine que son adversaire démocrate.

Jeudi 17/09 : Obama, Obamagate ?

Alors que Barack Obama faisait une sortie médiatique pour annoncer la sortie de ces Mémoires pour le 17 novembre, soit 15 jours après les élections, voilà que les affaires liées à la campagne 2016 pourraient éclabousser à nouveau celle de 2020. En effet, l’ancien directeur du FBI James Comey témoignera devant la commission judiciaire du Sénat le 30 septembre. L’objet de la convocation ? Les républicains développent l’idée qu’il a conspiré contre Donald Trump en 2016 avec l’aval de l’ancien président américain. Affaire à suivre et que je développerai dans un futur article centré sur l’Obamagate et les théories développées par « Qanon ».

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Le couple de la décennie

Bonne nouvelle pour Biden en Pennsylvanie puisque le candidat vert ne pourra pas se maintenir dans cet état. Son parti n’a pas respecté les règles d’enregistrement et ne verra pas de bulletins imprimés à son nom ici. En conséquence, certains électeurs verts pourraient reporter leur voix sur Biden. La Pennsylvanie est considérée par tous les observateurs de la campagne comme l’Etat qui fera basculer l’élection, comme en 2016. Trump l’avait emporté ici avec moins de 1% d’avance sur Clinton.

Sur le plan de la politique politicienne, certains sénateurs républicains ont fait parler d’eux ce jeudi en se disant prêts à travailler avec une administration Biden si celui-ci venait à remporter l’élection sans majorité au Sénat. En réalité, il est fort possible que Biden l’emporte sans avoir de majorité au Sénat, aujourd’hui dominée par les Républicains (53 sénateurs contre 47) et il est très difficile de mener à bien sa politique ou choisir des juges à la Cour Suprême sans cette majorité. Aujourd’hui, les sondages prédisent 47 à 54 sièges aux républicains et démocrates, le match sera donc extrêmement serré.

Vendredi 18/09 : Début du vote par anticipation !

Ce vendredi, il restait exactement 45 jours de campagne et pourtant, il est déjà possible voter en Virginie, au Minnesota ou encore en Caroline du Nord. Les premiers bureaux de vote ont, effectivement, ouvert leur porte et permettent aux électeurs qui sont inscrits sur les listes électorales de venir voter en anticipé physiquement. On a pu voir des queues énormes dans le Minnesota qui sera l’un des états clés de l’élection. Clinton ne l’avait emporté ici qu’avec 1,5 points d’avance en 2016 et c’est dans cet état que George Floyd est mort en mai 2020. Pour finir avec les histoires de vote, la Justice du Michigan a déclaré que tous les bulletins qui arriveront dans les 14 jours qui suivent le scrutin devront être comptabilisés dans cet Etat… Pour rappel, Trump l’avait emporté avec seulement 22 000 voix d’avance en 2016… Préparez vous à des contestations en cascade entre le 3 et le 17 novembre au Michigan.

Trump Supporters | Trump Supporters Disrupt Early Voting in Virginia -  Fairfax
On respecte les gestes barrières en Virginie

Sur le plan sanitaire, c’est promis, il y aura un vaccin contre le Covid en… avril 2021. Si c’est Donald qui le dit c’est que c’est vrai non ? Il assure que 100 millions de doses seront fabriquées avant la fin de l’année, et que des centaines de millions de doses seront disponibles d’ici avril, pour que tous les Américains soient vaccinés. Trump l’avait promis pour fin octobre il y a 1 mois…

Samedi 19/09 : Le tournant de la campagne ?

Remembering Ruth Bader Ginsburg, a Supreme Court Justice Who Demonstrated  the Power of Dissent | The New Yorker

Ruth Bader Ginsburg, l’une des 9 juges de la Cour Suprême, l’équivalent de notre Conseil Constitutionnel mais avec un vrai pouvoir légitimé par la Constitution Américaine, a rendu l’âme ce samedi. Deuxième femme de l’histoire américaine à siéger au sein de la Scotus (Supreme Court of the United States), nommée par Bill Clinton, RBG avait fait de l’égalité des sexes son combat. Hissée au rang d’icône de la gauche progressiste, tout le monde redoutait le décès de cette femme de 87 ans, qui a lutté contre 5 cancers successifs, avant la fin du 1er mandat de Trump. Avec cette perte, la Scotus ne compte plus que 8 membres : 5 conservateurs et 3 progressistes. Le président Trump et les républicains ont l’occasion unique de faire basculer durablement la Cour Suprême à droite en nommant un 6ème membre conservateur. Disposant d’un Sénat républicain, rien ne l’empêche de lancer ce processus qui dure environ 70 jours. Si l’élection est prévue dans 45 jours, le mandat du Sénat court jusqu’au 3 janvier et celui de Trump jusqu’au 20 janvier 2021, tout juste suffisant pour finir le processus de sélection du candidat. Dans le cas d’un tel basculement, on pourrait imaginer la Cour Suprême revenir sur le droit à l’avortement, autorisé au niveau fédéral depuis 1973. Si la Cour Suprême revient sur son autorisation, alors les Etats devront décider localement s’ils suivent cette décision. Pour la droite religieuse et la frange la plus conservatrice du pays, cette question du droit à l’avortement est au centre de leur préoccupation. Si Trump veut faire le plein de voix au sein de cet électorat en novembre, comme Bush en 2004, il n’a qu’à lancer le processus de sélection illico presto. Il est fort probable que ce sujet devienne le thème de campagne N°1 devant l’économie et la crise du Covid et personne ne peut prédire quel électorat se mobilisera le plus pour cela.

Dimanche 20/09 : COVID 19 : le cap des 200 000 morts

C’est officiel depuis ce dimanche, les Etats-Unis ont enregistré 200 529 décès pour environ 7 millions de cas confirmés. Donald Trump l’avait dit en mars, « s’il y a moins de 200 000 morts, nous aurons bien géré la crise ». Le cap est franchi 6 mois plus tard. Si jamais les électeurs qui voteront le 3 novembre ont pour préoccupation principale la crise sanitaire, alors je ne donne pas cher des chances de Donald Trump qui payera sa gestion bancale de la crise.

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Sur le plan international, le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo annonce le retour de toutes les sanctions de l’ONU contre l’Iran et Trump menace de mettre en place des sanctions secondaires contre tout pays ou entité qui violerait ces sanctions. Après le succès diplomatique pour son allié israëlien lundi, Trump poursuit l’effort d’isolation et d’asphyxie de l’ennemi de son mandat, la République islamique d’Iran.

Lundi 21/09 : Le nouveau juge sera une femme !

Ce vendredi aura lieu la cérémonie officielle rendant hommage à Ruth Bader Ginsburg. D’ici là, son corps sera exposé au Capitole américain et accessible au public. Le Président n’annoncera pas le nom de son successeur avant la fin du service funéraire « par respect pour elle » d’après la Maison Blanche. Toutefois, dès samedi matin, nous devrions connaître l’heureuse élue au poste. Eh oui, Trump a prévu de nommer une femme pour remplacer cette femme d’exception et ce pour 3 raisons : premièrement, cela lui permet de maintenir un certain équilibre homme femme (6 contre 3), deuxièmement, il a un déficit de voix auprès des femmes plus modérées et un tel choix lui donne l’occasion de se recentrer. Enfin, ce choix contrebalancera avec « l’effet Kamala Harris » qui n’existe d’ailleurs pas. 4, 5 noms circulent déjà mais 2 font office de favoris.

Amy Coney Barrett a immédiatement été citée comme future juge. Barrett est très appréciée par les conservateurs en raison de ses valeurs religieuses traditionnelles qui, selon ses détracteurs, orientent sa lecture du Droit. Ce choix paraît évident mais pourrait être une mauvaise idée. En effet, si les électeurs catholiques et évangéliques seront très contents, un tel choix pourrait effrayer les indépendants peu croyants que convoite également Trump. Un autre nom émerge dès lors, celui de Barbara Lagoa qui présente l’avantage d’appartenir à la communauté hispanique, étant d’origine cubaine. Conservatrice affirmée, ses positions plaisent aux évangéliques. Ce choix pourrait assurer la victoire de Trump en Floride et lui permettre de revenir dans la course en Arizona.

5 things to know about Trump's possible Supreme Court picks — like how Barbara  Lagoa could help him in Florida - MarketWatch
Amy à gauche vs Barbara à droite : 1 choix critique pour Trump

A suivre donc, avec certainement une réponse sur le choix que fera Donald Trump lors du prochain épisode de semaine de campagne.

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