Une semaine de campagne, épisode 2

The first Biden/Trump presidential debate airs Tuesday on ABC7. Here's what  to expect. | WJLA

Plus que 5 semaines avant le D-Day folks ! Comme chaque mardi, je vous relate les événements marquants de la semaine écoulée pour vous permettre de ne rater aucun des soubresauts de ce duel mortel. Au programme cette semaine, mon analyse de la nomination de la juge Amy Coney Barrett et ses conséquences sur la mobilisation des électeurs, les affaires de Hunter Biden, les impôts de Donald Trump et les batailles juridiques autour du vote par correspondance. La campagne commence à se tendre sérieusement tandis que le premier débat entre Joe Biden et Donald Trump a lieu ce mardi 29 septembre.

MARDI 22/09 : cour suprême, la chance de trump

Tandis que Donald Trump terminait son meeting en Ohio sur YMCA des Village People, le président avait des raisons d’être d’humeur joyeuse ce mardi. Effectivement, le destin lui offre la possibilité de nommer un 3ème juge à la Cour Suprême en 4 ans alors que ses trois prédécesseurs n’en ont nommé que 2 en 8 ans chacun (Clinton, Bush Jr et Obama). Au Sénat, son pire ennemi, l’ancien candidat républicain Mitt Romney a confirmé qu’il soutiendrait la nomination d’un juge avant la fin du mandat de Trump comme 50 de ses collègues sénateurs. Seules 2 sénatrices républicaines pourraient manquer à l’appel lors du vote : Susan Collins et Lisa Murkowski qui sont des républicaines centristes, presque indépendantes, anti Trump et surtout en campagne de réélection où elles sont en mauvaise posture. Qu’importe, Trump n’a besoin que de 50 voix et il disposera du soutien de 51 sénateurs ce qui est un nouveau succès majeur dans son mandat. Avec cette 3ème nomination, POTUS termine son mandat en apothéose aux yeux de ses supporters et même de son parti. Même battu, il sera désormais célébré comme un grand président qui aura défendu les valeurs conservatrices. En 2016, il y avait 5 progressistes pour 4 conservateurs à la Cour Suprême. 4 ans plus tard, la Cour Suprême est composée de 6 conservateurs contre 3 progressistes qui pourront renverser des jurisprudences progressistes au cours des 2 prochaines décennies. L’efficacité de Trump a, d’ailleurs, été remarquable à tous les niveaux judiciaires : 53 juges confirmés en cour d’appel en 1 seul mandat (sur 179 postes) contre 55 en 2 mandats pour Obama. Et ceci est une preuve supplémentaire du flair de Trump et met à mal la théorie de son imbécilité crasse. Premièrement, en 2016, Trump avait dealé avec le parti républicain : laissez moi dire et faire ce que je veux pendant 4 à 8 ans et vous aurez une Cour Suprême conservatrice. En 4 ans, pas une fois, les sénateurs ne lui ont fait défaut et le parti républicain est désormais trumpien. Par ailleurs, en disposant d’un pouvoir judiciaire plus favorable, Trump se prémunit d’un contentieux électoral, en particulier sur le sujet du vote par correspondance. S’il décide de contester devant les tribunaux le comptage de bulletins arrivés 1 à 10 jours après le vote, il se pourrait bien que la Cour Suprême et les cours d’appel lui donnent raison en dernier ressort. Pour rappel, il y a 20 ans, c’est la Cour Suprême qui avait validé le recomptage des voix, très polémique, en Floride et avait donné la victoire à Bush Jr face à Al Gore.

Inside President Trump's Untested Re-Election Strategy | Time
Donald Trump, le faux fou

Pour les démocrates, cet épisode marque un nouvel échec de leur stratégie anti Trump et plus généralement une erreur souvent commise par les partis de gauche. Pendant 4 ans, les élus démocrates ont semblé attendre un basculement MORAL d’une partie des élus conservateurs, et de son électorat, contre Trump. Pourquoi des élus et des électeurs qui ont porté Trump au pouvoir et partagent l’essentiel de sa doctrine politique feraient-ils cela ? L’imploration de Biden et des sénateurs démocrates au nom de la conscience morale semble décalée, voire pathétique. Pourquoi attendre de son adversaire politique la validation de ses propres doctrines ? Les médias et les progressistes, en se raccrochant désespérément à la thèse d’une résistance morale intérieure à Trump ont oublié de mener le combat politique et de se demander pourquoi ils avaient perdu l’électorat populaire en 2016. En outre et pour en finir sur ce thème, Trump est totalement dans son droit avec cette nomination et la Constitution est très claire au sujet de ces prérogatives : il reste en fonction jusqu’au 20 janvier 2021 à midi.

MERCREDI 23/09 : le retour de hunter biden

Mercredi, les présidents des deux commissions du Sénat ont publié un rapport sur les éventuels conflits d’intérêts entre les Biden et l’Ukraine. Le rapport laisse entendre que la position du fils de Joe, Hunter, au sein du conseil d’administration de la société ukrainienne, Burisma Holdings était problématique et que les avertissements concernant son rôle ont été ignorés par l’administration Obama. Ce rapport révèle ainsi que le fils de Joe Biden aurait touché 3,5 millions de dollars d’un russe corrompu lié à Vladimir Poutine Toutefois, il ne reprend pas l’accusation de Trump visant Joe Biden qui aurait fait pression pour le renvoi d’un procureur ukrainien afin de protéger son fils, même si une vidéo de Joe existe où il se vante d’avoir fait démissionner un procureur… Cette affaire ne devrait pas faire beaucoup de fracas dans la campagne mais elle reste une arme pour le camp Trump.

GOP senators release findings from investigation into Joe and Hunter Biden  | WJLA
On va faire affaire mon petit

Alors que la veuve de John McCain, ancien candidat républicain à la presidentielle, apportait son soutien à Joe Biden, la correspondance jusqu’alors inconnue entre Trump et Nixon a été révélée dans la presse. De 1982 à 1993, Trump et Nixon ont échangé sur la politique et les affaires. La dernière lettre du futur président à l’ex président déchu se termine en ces termes « Vous êtes un grand homme, j’ai et j’aurai toujours les plus grands respect et admiration pour vous. » Evocateur quand on sait que Trump s’inspire beaucoup de la campagne de Richard Nixon de 1968 construite autour du thème « Law&Order ». Après le Make America Great Again de Reagan de 1980 revisité en 2016, Trump parviendra-t-il à gagner à la Nixon ? Je complèterai ce parallèle avec l’élection de 1968 dans un prochain article sur le blog.

JEUDI 24/09 : trump fait du pied aux cubains de floride

Jeudi, l’administration Trump a annoncé une nouvelle série de restrictions et de sanctions à l’encontre de Cuba afin de lutter contre le communisme. Au cours de la même annonce, le président Trump a également mentionné que les Etats-Unis devraient imposer des sanctions strictes aux dictatures du Nicaragua et du Venezuela. Le Président a déclaré que les voyageurs américains ne pourront pas séjourner dans les propriétés appartenant au gouvernement cubain et il invite les Américains à séjourner dans des Bed and Breakfast « plutôt que dans les grands hôtels qui servent à financer le régime communiste ». L’importation d’alcool et de tabac cubains feront l’objet de restrictions supplémentaires. Trump a estimé enfin que ces mesures garantiront que les dollars américains ne financent pas le régime cubain et qu’ils vont directement au peuple cubain. L’enjeu de ces mesures est purement électoraliste et vise à attirer la communauté cubaine de Floride, conservatrice et anti-communiste. Cette politique paye pour l’instant dans les derniers sondages. En effet, Trump ferait 43% chez les hispaniques de Floride contre 46% pour Biden. En 2016, il faisait à peine 35% contre près de 60% pour sa rivale Hillary Clinton.

Joe Biden struggling with Latino voters in key state Florida, polls show
Des casquettes rouges contre le communisme

VENDREDI 25/09 : le vote anticipé devant les tribunaux

A moins de 40 jours de l’élection, il est utile de rappeler que le scrutin est déjà ouvert au vote anticipé ou par correspondance depuis 1 semaine dans les Etats du Michigan, du Minnesota, du Dakota du Sud, de la Virginie, du Wyoming et de l’Illinois. Le vote par correspondance et les fraudes électorales sont particulièrement scrutés depuis que Trump a dénoncé leur sécurité. En ce vendredi, plusieurs polémiques ont éclaté et des décisions ont été rendues devant les tribunaux. En Pennsylvanie, 7 bulletins de vote de militaires pro Trump ont été trouvés « après avoir été jetés dans la nature ». Dans cet état, la cour a rendu un jugement défavorable à la requête des républicains qui souhaitaient que les bulletins ne soient comptabilisés par correspondance qu’avant le 3 novembre. Finalement, ces bulletins seront comptabilisés jusque 3 jours après le vote. Cependant, les enveloppes devront être oblitérées et insérées dans une enveloppe de confidentialité sous peine de ne pas être comptabilisées. Du côté du Michigan, l’assemblée a donné l’autorisation d’ouvrir les bulletins par correspondance dès la veille de l’élection (le 2) de 10h à 20h et ce afin de pouvoir les compter plus rapidement et d’avoir les résultats sans délai. En Ohio, c’est le vote électronique par internet qui pose problème aux républicains. Celui-ci a été autorisé le 11 septembre dernier et l’affaire est devant la justice. A moins d’une victoire écrasante d’un des 2 candidats dès mardi 3 au soir, il faut se préparer à une élection qui finira devant les tribunaux !

How the Supreme Court Could Affect Voting Rules on Election Day - The New  York Times
Ces pancartes ne sont pas des bulletins réglementaires

La campagne de Trump se poursuit sur le terrain en Floride et en Géorgie où le candidat a rencontré les latinos puis les afro-américains pour discuter de leur situation économique. Donald Trump a annoncé que 500 milliards de dollars seraient consacrés aux Afro-Américains l’année prochaine (un cadeau de noël totalement désintéressé j’imagine…). Du côté de Biden, c’est silence radio, comme presque 1 jour sur 2. L’absence de Biden commence à se voir et de plus en plus de caciques locaux du parti démocrate dans les Swing States s’inquiètent de ce manque de campagne sur le terrain. Ils craignent encore une fois que les électeurs qui se décideront à la dernière minute oublient que Trump a un adversaire…

SAMEDI 26/09 : Amy coney Barrett, un bon choix pour trump ?

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Sourire crispé de Donald, a-t-il fait le bon choix ?

Je vous l’avais donné comme favorite la semaine dernière, Trump a bien choisi Amy Coney Barrett samedi 26/09 au poste de juge de la Cour Suprême. Barrett est une catholique fervente d’Indiana. Elle vient de South Bend, la ville de Buttigieg et appartient à un groupe de prière charismatique. Juriste et juge très conservatrice, elle est aussi, ne pas l’oublier, une femme brillantissime, adorée de ses étudiants et collègues à l’université de Notre Dame où elle a enseigné 15 ans. Il y a 2 ans, quand Trump l’a nommée comme juge en cour d’appel du 7e circuit, elle a été soutenue par de nombreux juristes libéraux- tel Noah Feldman- avec qui elle avait été clerc à la Cour Suprême et par tous les professeurs de droit de son université. Sa carrière devait la mener à ce poste et c’est tout naturellement que Trump l’a choisie.

Par ce choix, Trump préfère rejouer la carte de 2016 : mobiliser l’électorat blanc plutôt que de séduire la minorité hispanique. En 2016, 64% des blancs catholiques s’étaient tournés vers Trump mais en 2020, il fait face à un candidat catholique. Son avance semble s’être réduit auprès de cet électorat qui était l’un de ses principaux socles. Pourtant, cette nomination pourrait avoir des effets contradictoires sur l’opinion. S’il mobilisera certainement les blancs catholiques (14% de l’électorat) ainsi que les blancs évangéliques (20% de l’électorat) par le choix d’une juge aux convictions religieuses affirmées, Biden peut espérer mobiliser ses électorats plus fragiles en termes de taux de participation (les jeunes libéraux de 18/30 ans) agacés par ce coup de force judiciaire de Trump. Quoi qu’il en soit, Trump compte bien, avec l’appui des sénateurs républicains, accélérer la procédure de confirmation de Amy Coney Barrett. Les premières auditions sont prévues pour le 12 octobre alors qu’il faut habituellement compter 6 à 8 semaines de délai. Le 22 octobre, le comité judiciaire du Sénat se réunira pour décider si la nomination de Barrett mérite oui ou non d’être soumise au vote du Sénat. Le 29 octobre, le Sénat se prononcera formellement et, selon toute vraisemblance, Barrett deviendra alors la 115ème juge de la SCOTUS (Cour Suprême), seulement 5 jours avant l’élection. Timing parfait pour Donald Trump. Âgée de seulement 48 ans, elle pourrait potentiellement battre le record du juge resté le plus longtemps en fonction : il s’agissait de William Douglass qui siégea 36 ans de 1939 à 1975. Un juge reste en fonction à vie sauf s’il démissionne et la durée de son mandat est de 16 ans en moyenne.

DIMANCHE 27/09 : Les impôts de donald auront-ils un impact sur le résultat ?

Mauvaise journée pour Donald Fraud … Trump voit ses déclarations d’impôts 2016/2017 déballées dans le NY Times qui nous apprennent qu’il n’aurait payé que 750$ en 2 ans. Toutefois, cette affaire n’annonce rien de nouveau. Nous savons depuis 2016 que Trump n’a rien payé en impôts ces dernières années, il profitait alors d’une loi fiscale d’Obama et réalisait un audit sur sa compagnie. Il s’était même vanté de ne pas en payer car il était « plus malin » que les autres. Comme pour l’affaire Hunter Biden, cette histoire ne va faire que renforcer les convaincus de chaque camp que l’autre candidat est un monstre. En ce qui concerne les « swing voters », ils voteront plutôt en fonction de leur propre fiche de paye et d’impôt qu’en pensant à celle du président. Il n’empêche que, symboliquement, les oubliés de la crise de 2008 qui avaient voté Trump en 2016 pour lutter contre le cynisme en politique vont l’avoir un peu mauvaise en découvrant que leur champion a fait de l’optimisation fiscale à gogo.

Excédé par la taxe Gafa, Donald Trump menace la France de représailles |  Les Echos
Donald nous indique le montant de ses impôts pour l’année 2020

Si on rentre dans le détail des révélations du NY Times, on note tout de même qu’il n’y a eu aucun financement russe en 2016 ce qui met fin à la fausse nouvelle de CNN qui tentait d’expliquer la non publication des impôts de Trump pour cette raison. En vérité, la vraie information de ce papier est que Trump s’est donné du mal à cacher ses déclarations car son empire perd beaucoup d’argent, ses révélations ne vont donc pas le disqualifier personnellement. Par ailleurs, à l’ère Trump, la presse est discréditée car elle le cible en permanence et ne fait plus de l’information mais de l’investigation à charge ou de l’idéologie. Exemple du jour, le comité éditorial du Washington Post a apporté son soutien plein et entier à Biden. Qu’adviendra-t-il le jour où l’équipe d’investigation du Washington Post sortira un scoop sur Trump ? Ses fans crieront à la fake news et à l’acharnement. C’est la limite d’une campagne qui se concentre uniquement sur les polémiques et les affaires : elles sont souvent contre productives, inintéressantes et dérivent des vrais sujets de fond de la campagne. Trump a piégé Clinton en la poussant à venir le traîner dans la boue en 2016, les démocrates ont l’air décidé à faire le match retour en 2020 et Trump les attend de pied ferme.

LUNDI 28/09 : préparation au premier débat

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C’est show

Le moment tant attendu est arrivé : c’est l’heure du premier débat entre Donald Trump et Joe Biden. Rdv à 3h du matin sur n’importe quelle chaîne d’information française pour voir ce massacre à la tronçonneuse en direct. Au programme, la Cour suprême, le Covid 19, l’économie, les questions raciales et la violence dans les villes US et le vote par correspondance. On reviendra aussi sur les bilans respectifs des mandats des 2 candidats. Outre ces thèmes, les candidats ne se serreront pas la main, les règles de distanciation physique seront appliqués et il y aura peu de public dans la salle. Enfin, les candidats ne porteront pas de masque.

Qui est le favori pour ce débat ? Tout le monde s’attend à un Trump extrêmement offensif et il n’est jamais meilleur qu’en position de challenger. Joe Biden était un bon débatteur par le passé mais il semblait avoir atteint la date de péremption lors des primaires démocrates. Cela ne l’avait pas empêché de gagner pour autant. A mon avis, Trump devrait s’en sortir légèrement mieux mais Biden ne sera pas ridicule pour autant. Le principal danger pour lui est son potentiel à sortir une énorme gaffe. Les médias diront sans doute que Trump a perdu ce débat. Je vous dirai quel est mon ressenti mardi prochain !

Bonne semaine de campagne à tous !

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