Chaque semaine, je publierai un article sur les états clés qui permettront à l’un des 2 candidats, Biden ou Trump, d’atteindre la barre fatidique des 270 grands électeurs, synonyme d’élection. Quatorzième chapitre du dossier Route 270 aujourd’hui, avec un focus sur l’Etat de Caroline du Nord et ses 15 grands électeurs en jeu en 2020.

QUELQUES CHIFFRES DE LA CAROLINE DU NORD
- Population : 10 488 084 habitants
- Capitale : Raleigh
- Plus grande ville : Charlotte
- Répartition démographique : 71% blancs, 22% noirs, 9% hispaniques, 3% asiatiques
- Nombre de grands électeurs : 15
- Représentation locale : 1 gouverneur, et 3 représentants démocrates ; 2 sénateurs et 10 représentants républicains
- De quel côté ça penche sur les 5 dernières élections ? : Démocrates 1 – Républicains 4
- Résultats 2016 : Trump 49,8% Clinton 46,2%
- Une personnalité : Michael Jordan. Si Michael Jordan est né à Brooklyn, c’est en Caroline du Nord que le futur champion a grandi et fait ses premiers pas dans le monde du Basket. Il mènera son équipe universitaire au titre avant de rejoindre les Bulls de Chicago et devenir le plus grand joueur de l’Histoire. Fidèle à son Etat d’adoption, il préside aujourd’hui la franchise des Charlotte Hornets avec moins de succès pour l’instant.

HISTOIRE DE LA CAROLINE DU NORD
Les traces d’habitations en Caroline du Nord remontent à plus de 10 000 ans et les peuples amérindiens se sédentarisent aux alentours de – 1 000 dans la région. L’Etat est partagé entre tribus algonquins et tribus sioux lorsque les européens débarquent aux alentours de 1524. C’est un italien, Giovanni da Verrazzano, qui traverse la région en premier pour le compte des français du roi François Ier. Lorsqu’il débarque, Verrazzano écrit une lettre pour lui relater avec certitude qu’il est parvenu en Asie. Deux ans plus tard, c’est un groupe d’explorateurs espagnols qui traverse la Caroline du Nord mais ce n’est que vers 1539/1540 que les terres intérieures sont parcourues par Hernando de Soto. Les espagnols construisent 6 forts en 1567 mais ceux-ci sont détruits par les amérindiens et les espagnols abandonnent définitivement cette partie de l’Amérique. Les seconds à se présenter dans la région sont les anglais. Vers 1587, la colonie de Roanoke, cf mon article sur la Virginie, échoue à s’installer durablement elle aussi. Les anglais parviennent finalement à s’installer durablement dans la région vers 1655. La Caroline devient une province royale en 1665 et prend ce nom en hommage au roi Charles Ier, Carolus en latin. Se développant de façon différente par rapport au sud du territoire, la Caroline est divisée en 2 provinces en 1729 : la Caroline du Nord et la Caroline du Sud. La culture du tabac est la principale activité des colons anglais qui font venir de nombreux esclaves africains pour augmenter la production. La population croît rapidement au cours de cette période passant de 100 000 habitants en 1752 à 200 000 en 1765 dont 41 000 esclaves. A la fin des années 1760, des tensions politiques éclatent en raison de la lourde imposition exigée auprès des agriculteurs, souvent incapables de payer. En outre, la classe dirigeante est marquée par une forte corruption et l’argent récolté sert souvent à construire les villa des dirigeants politiques. Des révoltes éclatent et sont matées en 1771. La Caroline du Nord se retrouve donc à la tête de la fronde des colonies contre le pouvoir britannique dès 1775 et les insurgés prennent les commandes de l’Etat dès 1776. Les habitants se divisent alors entre loyalistes et révolutionnaires et de nombreuses batailles se déroulent dans l’Etat, en particulier entre 1780 et 1781. La bataille de King’s Mountain le 7 octobre 1780, remportée par les américains, est un tournant décisif dans le conflit, les loyalistes abandonnant les principales villes de l’Etat. Suite à la victoire, l’accroissement de la population se poursuit pour atteindre 350 000 habitants et l’Etat est le 12ème à rejoindre l’Union le 21 novembre 1789.

Au début du XIXème siècle, la Caroline du Nord poursuit sa croissance démographique tout en restant majoritairement un Etat rural. En effet, malgré l’industrialisation, auquel l’Etat prend part avec le développement des voies de chemin de fer, aucune ville ne dépasse 10 000 habitants en 1860. La plupart des habitants blancs sont des agriculteurs possédant un lopin de terre et quelques esclaves noirs et y cultivent principalement du tabac. A la veille de la guerre de sécession, la Caroline du Nord compte plus de 990 000 habitants dont 330 000 esclaves afro-américains. Lorsque la Guerre de Sécession éclate en 1861, la Caroline du Nord est pourtant réticente à rejoindre le camp des Confédérés mais suite à l’attaque de Fort Sumter en avril par les troupes de Lincoln, l’Etat rejoint en réaction les Confédérés. Peu de batailles se déroulent sur le territoire mais la Caroline du Nord fournit le plus gros contingent militaire avec 125 000 soldats. 40 000 d’entre eux périront au cours des 4 années de conflit. Réadmis au sein de l’Union en 1868, l’Etat est alors exsangue et la période de reconstruction est difficile pour la communauté noire. Dès 1870, le parti démocrate émerge à la tête du gouvernement local et supprime des votes républicains et surtout noirs. Le Ku Klux Klan est très actif jusqu’à la fin du siècle et influence une politique ségrégationniste agressive de la part des différents gouverneurs démocrates de cet état. En réaction, plus de la moitié des afro-américains quittent l’Etat entre 1910 et 1940.

Au cours de la Première Guerre Mondiale, la Caroline du Nord est le grenier à blé du pays mais sert aussi de chantier à ciel ouvert pour la construction des navires de guerre américains. Les femmes profitent de la guerre pour gagner en responsabilité dans la société, en particulier pendant l’épidémie de grippe espagnole qui touche particulièrement l’Etat. La Grande Dépression frappe durement les fermiers de Caroline du Nord mais l’Etat est l’un des grands bénéficiaires du New Deal de Roosevelt, spécialement grâce aux programmes tabac et coton du plan qui garantissent des prix hauts et stables sur les marchés. La prospérité revient avec la Seconde Guerre Mondiale au cours de laquelle les industries de l’Etat fournissent l’armée en textile. La Caroline du Nord en profite pour investir dans son éducation et ses universités, très réputées encore aujourd’hui. En 1960, les afro-américains représentent encore 25% de la population et l’activisme des mouvements pour les Droits Civiques est particulièrement prononcé en Caroline du Nord au cours de la décennie. Cet activisme est récompensé en 1973 par l’élection de Clarence Lightner qui devient le premier afro-américain à être élu maire d’une ville américaine. Aujourd’hui, la Caroline du Nord est un Etat extrêmement dynamique tant démographiquement qu’économiquement. Des villes comme Charlotte ou Raleigh ont fini par gagner en importance dans la seconde moitié du XXème siècle. Avec plus de 2 millions d’habitants, la communauté afro-américaine représente toujours le plus gros contingent parmi les minorités de Caroline du Nord, loin devant les hispaniques.

Sur le plan économique enfin, la Caroline du Nord est le 9ème état du pays le plus riche en terme de produit intérieur brut. Si les grandes villes ont connu un essor important ces 30 dernières années, il n’en est pas de même pour les zones rurales de l’Etat qui ont particulièrement souffert du chômage au cours de la même période, en raison de la concurrence de la Chine et de l’Asie sur les emplois agricoles et industriels. L’économie repose sur 4 branches principales :
- L’agriculture et le secteur industriel : encore intimement liés par la production de cotons, ce secteur est en décroissance depuis 25 ans. Si la Caroline du Nord reste le producteur numéro 1 de tabac, les industries textiles, chimiques ou énergétiques souffrent de la concurrence accrue de la Chine. Ces perdants de la mondialisation se sont, en grande partie, tournés vers Trump en 2016.
- Les secteurs de la finance, de la technologie et de la recherche : Charlotte, plus grande ville de l’Etat, connaît une croissance énorme grâce à son activité bancaire et financière. Il s’agit du second centre financier du pays après New York et Bank of America y a son siège ainsi que 5 autres compagnies parmi les 500 plus grandes du pays. Raleigh, quant à elle, est la capitale de l’informatique et de la recherche et abrite l’université de l’Etat de Caroline du Nord.
- Le cinéma et les arts : plusieurs studios sont localisés à Charlotte, Raleigh ou Shelby. Plus de 300 productions ont vu le jour dans l’Etat comme Forrest Gump, Hannibal ou Hunger Games.
- Le tourisme : l’Etat est le 6ème plus visité du pays après la Floride, la Californie, New York, le Nevada et la Pennsylvanie. 190 000 personnes sont employées dans ce secteur.

LA CAROLINE DU NORD ÇA SWING !
La Caroline du Nord a participé à toutes les élections, sauf celle de 1864 pour cause de sécession. De 1876 à 1964, la Caroline du Nord a voté quasi exclusivement pour les candidats démocrates à la présidentielle en raison du ségrégationnisme. En effet, le parti démocrate des Etats du Sud était le parti pro-ségrégation jusqu’au tournant des droits civiques signés par le président démocrate Johnson en 1964. A partir de ce moment-là, républicains et démocrates ont changé chacun de stratégie : les républicains ont mis en place la « stratégie du sud » pour conquérir le vote des blancs, déçus par leur perte d’influence mais encore majoritaires et les démocrates ont fait le pari des minorités depuis lors. En conséquence, la Caroline du Nord a voté 11 présidentielles sur 13 pour un candidat républicain.
En 2008, Barack Obama a réussi à renverser cette tendance pro-démocrate et a remporté l’Etat de justesse par 14 000 voix face à McCain. En 2012, il s’agissait à nouveau de l’un des Etats les plus serrés avec une victoire de Romney avec 2 points d’avance. En 2016, la victoire de Trump était plus large avec près de 4 points d’avance alors qu’il était attendu comme l’élection la plus serrée. Cette année, les sondages annoncent un 50/50 depuis des mois. Comme la Virginie, la Caroline du Nord voit la part de ses minorités augmenter progressivement dans la population et l’enjeu pour Biden sera de parvenir à faire voter la communauté afro-américaine dans la même proportion qu’en 2008. Toutefois, des signes de terrain indiquent que Trump ne devrait pas perdre cet Etat cette année. Avec le covid, les républicains n’ont pas cessé de faire du porte à porte auprès des électeurs et cela a un effet sur les enregistrements sur les listes électorales. Entre mars et septembre 2020, 85 000 électeurs se sont inscrits sur les listes avec l’étiquette de républicain contre 40 000 pour les démocrates. En 2016, l’élection a été remportée par Trump avec 175 000 voix d’avance et chaque voix comptera ici. Pour l’instant, c’est un signal de mobilisation plus fort chez les républicains.

le thème de campagne qui peut faire basculer l’état
Relativement épargné par le coronavirus du fait d’un confinement assez strict, je ne pense pas que la question occupera particulièrement les esprits ici. L’élection devrait se jouer autour de la mobilisation de la communauté afro-américaine et 2 thèmes impacteront le choix de cette communauté. Le premier concernera l’économie : Donald Trump est parvenu au cours de son mandat à faire baisser le chômage des afro-américains à son niveau le plus bas de l’histoire (5/6% environ avant covid) et les sondages semblent indiquer que Trump pourrait faire un gain non négligeable dans cet électorat (8% des voix en 2016, potentiellement 15 à 20% en 2020). Si les électeurs afro-américains votent en pensant économie, Biden n’aura aucune chance de victoire même si les noirs se mobilisent autant qu’en 2008. A contrario, si le thème qui occupe les esprits est l’injustice raciale et les violences policières alors Biden peut, peut-être, créer un engouement de dernière minute autour de sa candidature. Cependant, il devra tenir un discours mesuré et ferme face aux violences des manifestations, ce qu’il fait enfin depuis septembre. En effet, le déboulonnage de statuts et les attaques sur les petits commerces passent très mal auprès de la communauté blanche et latino. Les démocrates marchent donc sur des œufs ici mais la victoire est loin d’être impossible avec un président aussi clivant que Donald Trump.
3 SCÉNARIOS POUR UNE ÉLECTION
Chaque semaine, je me permettrai un petit pronostic dans l’état clé que je présente. A mi-juillet, j’imagine 3 scénarios d’élection pour Novembre : une élection serrée au national avec une victoire finale de Trump, une élection serrée au national avec une victoire finale de Biden et une élection sanction avec victoire large de Biden. J’écarte le scénario d’une victoire large de Trump qui me parait, du fait de la personnalité clivante de Trump, peu probable. Comme en 2016, j’ai du mal à croire à une victoire tout aussi large de Biden du fait de l’extrême polarité des 2 camps mais comme les sondages nous prédisent pour l’instant ce scénario, je dois sérieusement l’envisager. Voilà ce que ces 3 scénarios impliqueraient pour l’état de la Caroline du Nord :

Scénario 1 : Trump gagne une élection serrée
Dans ce cas de figure, je pense que Trump devrait faire aussi bien voire mieux qu’en 2016. Donald Trump profiterait de son bon bilan économique auprès des minorités noires et des événements violents liés aux manifestations Black Lives Matter pour emporter la décision. Le travail de terrain d’enregistrement d’électeurs finira ce travail de sape et marquera le succès de sa campagne de terrain.
Scénario 2 : Biden gagne une élection serrée
Pour ce scénario-ci, Biden devrait perdre malgré tout contre Trump. Du fait du peu d’engouement pour sa personne, je ne le vois pas dans une élection serrée, renverser l’Etat de Caroline du Nord. Son succès viendra de la Rust Belt ou de l’Arizona et la Floride. Toutefois, l’écart devrait être extrêmement serré et on devrait observer une mobilisation des indépendants de zone périurbaine en sa faveur.
Scénario 3 : Biden l’emporte largement
Si Biden l’emporte largement, la Caroline du Nord devrait basculer assez logiquement dans le camp démocrate. Trump devrait perdre du terrain dans les zones périurbaines, auprès des personnes âgées inquiètes du COVID et on devrait observer une forte mobilisation des minorités pour Biden et ce grâce au vote par correspondance.
Mon Pronostic : Victoire de Trump avec 2/3 points d’avance.
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