Une semaine de campagne, épisode 3

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Plus que 4 semaines avant le D-Day folks ! Comme chaque mardi, je vous relate les événements marquants de la semaine écoulée pour vous permettre de ne rater aucun des soubresauts de ce duel mortel. Au programme cette semaine, un débat lamentable entre Trump/Biden où les insultes ont fusé mais vite éclipsé par le feuilleton du week-end : la santé du président, positif au Covid et hospitalisé de vendredi à lundi. Après 2/3 jours de flottement, la campagne reprend progressivement ses droits et tous les yeux sont tournés désormais vers les colistiers qui débattront mercredi 7 octobre, à moins que Trump ne fasse encore le show la semaine prochaine !

MARDI 29/09 : Débat Trump/Biden, y a-t-il un vainqueur ?

Analysis: Hits and misses from the first presidential debate - CNNPolitics
Concours de grimaces entre Joe et Donald

La semaine a commencé par un débat attendu par tous mais particulièrement décevant sur la forme. En effet, après 15 premières minutes calmes, Biden a lancé les hostilités en coupant la parole de Trump alors qu’il n’y était pas autorisé. Il ne fallait pas commettre un tel affront devant le président qui a alors monopolisé la parole, coupant Biden en permanence et s’en prenant à plusieurs reprises au journaliste qui devait arbitrer le débat. Si les débats font rarement la différence (les sondages le prouvent, il n’y a pas eu d’effet notable dans un sens ou dans l’autre), je me suis prêté au jeu des performances des candidats par thématique, de la manière la plus objective possible.

  • Thématique Nomination de Barrett à la Cour Suprême => Trump a pour une fois endossé le rôle de défenseur de la Constitution. Il a eu le ton juste et a rappelé ses prérogatives de chef de l’Etat et que son mandat court jusqu’en janvier 2021. Il est en droit de nommer qui il veut à la Cour Suprême même à 3 mois de la fin de son mandat. Après un petit coup de moraline hors sujet de Biden, celui-ci a plus habilement fait un appel du pied à sa base en expliquant que le droit à l’avortement ou le système de santé pourraient être remis en cause par la nomination de Barrett à la Cour Suprême. Toutefois Trump a piégé Biden en expliquant que ce dernier défendait un programme de santé socialiste… Réponse de Biden « J’ai battu le socialiste ». La gauche du parti démocrate appréciera… Victoire Trump assez logiquement sur ce point là.
  • Thématique Covid-19 => A partir de ce sujet, les candidats se coupent constamment la parole. Trump promet un vaccin (à nouveau) et Biden prend à partie les téléspectateurs en rappelant que cet homme avait promis que l’épidémie était terminée. Trump joue le rôle du garant des libertés en défendant le fait qu’il fallait continuer à vivre et ne pas se cacher derrière un masque comme son adversaire… Biden rétorque qu’il manque d’empathie pour les victimes et qu’il a été, à plusieurs reprises, incohérent et irresponsable. La performance de Trump aurait pu être jugée correcte dans cette phase du débat s’il n’avait pas adopté plusieurs postures contradictoires sur le covid au cours des 6 derniers mois. Victoire facile de Biden sur ce thème et qui se réveille enfin.
  • Thématique Economie => Trump défend beaucoup mieux son bilan économique pré et post covid mais il se perd dans des attaques personnelles. Il veut pousser à la faute Biden en lui faisant s’aliéner la gauche démocrate. Il traite Biden de communiste qui doit dénigrer Sanders en retour. Trump ne gagne aucune voix à ce jeu-là et n’est pas sûr d’en faire perdre à Biden. L’ancien vice-président n’est pour autant pas très bon non plus, il perd ses nerfs en demandant à Trump de la fermer et le président lui rétorque qu’il en a plus fait en 47 mois que Biden en 47 ans de politique. Meilleure punchline de la soirée mais Trump aurait pu écraser Biden avec une autre attitude. Match nul.
  • Thématiques Questions raciales et violence => Trump a un mot pour les commerçants, les militaires, les policiers… pour les noirs aussi qu’il dit avoir aidé sur le plan économique. Biden est mou et mauvais sur cette partie-ci. Lorsque le journaliste lui demande de se positionner sur les violences des manifestants et s’il a appelé ses collègues maires démocrates pour les enjoindre de rétablir l’ordre dans leurs villes, il rétorque qu’il n’a « pas de fonctions officielles ». Seule bonne punchline, quand Trump sort son slogan « Law and Order », Biden répond du tac au tac « with Justice ». Il n’en reste pas moins que Trump a mieux endossé le rôle de protecteur de la nation sur ce thème et Biden est apparu affaibli. Avantage Trump.
  • Thématique Intégrité de l’élection => Le sujet du vote par correspondance est abordé. Trump dénonce ce système qu’il juge propice à la fraude en masse. Biden est plus calme et tient un discours plus fair play. Il promet de reconnaître le résultat quelle qu’en soit l’issue. Trump demande à ses supporters de se tenir prêt à résister en cas de fraude massive et ne promet pas de reconnaître le résultat s’il le juge faussé. Pour ce dernier sujet, Biden a repris une posture présidentielle quand Trump a fait son mauvais joueur. Avantage Biden.
  • Posture candidat => A court terme, le vainqueur du débat est Biden. Il a tenu tête à Trump alors que tout le monde s’attendait à un débat déséquilibré. Toutefois, il n’a pas fait montre d’une plus grande stature présidentielle que son adversaire puisqu’il a prononcé les insultes les plus violentes du débat. A long terme, Trump pourra se servir d’enregistrements du débat pour faire passer le message que Biden a renié la frange socialiste du parti démocrate. Il sera peut-être vainqueur dans les urnes. Il a animé le débat mais trop souvent de manière désorganisée et inefficace. Il n’a pas renversé la table et pour un challenger c’est un mauvais résultat. Je vote match nul pour cette bouillie de débat (qui ne valait pas le débat Fils à Maman/Poissonnière de 2017 en France croyez moi… ou pas)

MERCREDI 30/09 : inscription sur les listes électorales, un espoir pour trump ?

U.S. voter registration plummets during coronavirus pandemic

Tandis que les sondages sont toujours aussi mauvais pour Donald Trump (4 à 10 points de retard en moyenne depuis 1 an), les remontées terrain sont moins négatives pour Trump que l’on ne pourrait le penser. Certains états communiquent sur le nombre de nouvelles inscriptions sur les listes électorales avec l’affiliation par parti indiqué. En effet, lorsque vous vous inscrivez sur les listes électorales aux Etats-Unis, il est possible de dire de quel parti vous vous sentez le plus proche. Il faut bien avoir en tête qu’historiquement, l’américain n’a pas honte de dire ce qu’il pense en public, beaucoup affichent même ostensiblement leur appartenance à un mouvement politique sur leur lieu de travail, dans la rue, lors de sorties, etc. Ainsi, 4 états clés ont communiqué sur les derniers chiffres d’inscription sur les listes électorales et ceci sont excellents pour les républicains et me laissent penser que cette élection sera définitivement serrée. L’enthousiasme est du côté républicain…

  • En Floride, 195 652 électeurs se sont inscrits entre mars et août pour les républicains. A contrario, 98 362 se sont inscrits pour les démocrates soit un écart de +100 000. En 2016, Trump l’avait emporté avec 113 000 voix d’avance. Dans les sondages pourtant, Trump a 2,5 points de retard.
  • En Pennsylvanie, la tendance est la même. 135 619 électeurs se sont inscrits entre juin et septembre pour les républicains contre seulement 57 985 pour les démocrates soit un différentiel de +80 000. En 2016, Trump l’avait emporté en Pennsylvanie avec une avance de 44 000 voix. Dans les sondages, Biden est donné vainqueur avec 5 points d’avance.
  • En Caroline du Nord, ce sont 83 785 électeurs qui se sont inscrits en tant que républicains entre mars et septembre. Dans le même temps, 38 137 s’inscrivaient comme démocrates soit un écart de +50 000 voix. En 2016, Trump avait remporté cet état par 173 000 voix. Ici, Biden et Trump sont au coude à coude dans les sondages (1 point d’avance pour Biden en moyenne).
  • Enfin, en Arizona, où de nombreuses personnes s’installent en provenance de la Californie voisine, très libérale, on observe là-aussi une autre tendance dans les inscriptions aux listes électorales même si c’est très serré. En 6 mois, 19 000 électeurs se sont inscrits comme républicains contre 16 000 démocrates. Dans les sondages, Biden dispose d’une avance de 3 points.

Ces chiffres ne prédisent en rien la mobilisation future de chaque camp mais il est certain que la dynamique est du côté de Trump sur le terrain. A suivre donc avec les premières remontées de votes anticipés au cours de la seconde moitié du mois d’octobre qui seront un révélateur sur la participation de chacun des camps.

JEUDI 01/10 : Covid-19 le retour, trump est positif !

Trump 'doing very well' at Walter Reed hospital and has no fever, doctors  say
The Mask

C’est dans la soirée que la nouvelle est tombée : Trump est positif au Covid 19 et se met en isolement pour 14 jours. Testé négatif le jour du débat mardi, Donald Trump semble avoir attrapé le coronavirus lors de l’intronisation de la juge Barrett, le samedi 26 septembre soit 5 jours plus tôt. C’est la panique à la Maison Blanche qui se transforme en cluster potentiel. Les ministres et sénateurs sont testés en masse. Mike Pence est testé négatif et mis à l’isolement pour le protéger. En effet, il est second dans la ligne de succession en cas de complications pour le président. Aux Etats-Unis, il n’y a pas de vacance du pouvoir. Si le président est empêché, même provisoirement, d’exercer ses fonctions, le Vice-Président prend les commandes du pays immédiatement. C’est ce qui était arrivé lors de la tentative d’assassinat de Reagan en 1981 où Bush Sr avait été président par intérim pendant les 12h d’opération du président. De même, Dick Cheney fut président par intérim 2 fois 6h en 2001 et 2004 suite à des opérations chirurgicales de Bush Jr. Toutefois, cette transmission de pouvoir provisoire n’est possible qu’au moment où le président en fonction envoie une lettre au congrès signifiant son incapacité à gouverner. Dans le cas où Trump et Pence étaient empêchés, c’est le président de la chambre des représentants qui prendrait la tête du pays, dans le cas présent, Nancy Pelosi démocrate. En 4ème position, le président du groupe majoritaire au Sénat, le sénateur républicain McConnell.

Avant d’en arriver là, c’est un coup dur momentané pour le président. A la traîne dans les sondages, il est empêché de mener campagne comme il l’entend pour les 15 prochains jours. Par ailleurs, le débat du 15 octobre pourrait être reporté voire annulé. C’est aussi un coup car cet événement remet en avant la crise du coronavirus et sa gestion erratique de la pandémie. L’épidémie est aujourd’hui le 3 ou 4ème thème de campagne le plus cité après l’économie et les manifestations violentes, thématiques où Trump est plus solide. Comme je le dis ici depuis 3 mois, si la pandémie est le sujet numéro 1 le jour J alors Trump perdra assurément l’élection.

VENDREDI 02/10 : La Baisse du chômage se poursuit

Les derniers chiffres du chômage avant l’élection sont tombés le 2 octobre et ils sont mitigés pour Trump. Le chômage retombe à 7,9% soit une création nette de 661 000 emplois en septembre mais ce taux n’a baissé que de 0,5% par rapport à août. Il n’empêche que Trump finit son mandat sur une note d’espoir pour lui. Selon les prévisions, le taux de chômage pourrait retomber aux alentours de 6% au dernier jour de son premier mandat, il sera parvenu à limiter les effets dévastateurs de l’épidémie en très peu de temps. Les secteurs touchés durablement sont les métiers reliés au tourisme dans l’hôtellerie ou les compagnies aériennes. Les électeurs gardent leur confiance en Trump pour relever l’économie, sujet numéro 1 de la campagne. Près de 50% des électeurs considèrent le Président comme plus à même de créer des emplois contre 40% pour Joe Biden soit l’inverse des intentions de vote actuelles. C’était déjà sur cette thématique que Trump dominait Clinton en 2016. A voir si nous observerons le même résultat cette année.

Sur le plan de l’immigration, Trump abaisse à 15 000 le seuil de réfugiés qui pourront entrer aux Etats-Unis en 2021, chiffre en baisse constante depuis le début de son mandat (110 000 en 2017, 45 000 en 2018, 30 000 en 2019, 18 000 en 2020). Si le mur n’aura pas été terminé en 4 ans, la politique anti-immigration ne s’est pas cantonnée aux simples effets d’annonce au cours de ces 4 années de mandat.

SAMEDI 03/10 : la communication trump, piège à cons journalistes ?

Trump coronavirus: President may be infected but he still wants us to know  who's in charge | US News | Sky News
Donald Trump s’amuse avec CNN

Les journées de vendredi, samedi et dimanche ont été particulièrement animées dans les rédactions nord-américaines. Tandis que le président rejoignait l’hôpital de Walter Reed à Washington pour suivre un traitement expérimental suite à l’apparition de premiers symptômes, les médias se mettaient en branle, annonçant tout et son contraire pendant 72h. La communication trumpienne est particulièrement difficile à comprendre et à analyser depuis 4 ans. En effet, Trump a théorisé dans son livre The Art of the deal l’importance d’être toujours imprévisible aux yeux des médias. Trump s’est toujours méfié comme la peste/le coronavirus (hoho) des journalistes et il les tourne en ridicule depuis 4 ans. Il faut dire que tous les médias, y compris Fox News, ont combattu Trump en 2016. Aujourd’hui, la situation est quasi la même, Fox News étant légèrement rentré dans le rang. Si les médias considèrent que l’administration Trump dysfonctionne totalement et que cela se ressent dans la communication de la Maison Blanche, je considère pour ma part qu’il s’agit d’une stratégie délibérée du président. La chaîne CNN, tête de turc de Donald, est parvenue difficilement à contenir son excitation morbide durant tout le week end. Un conseiller du président leur a donné une info confidentielle « en off » sur la santé de Trump qui était, selon ses dires, en situation critique le vendredi, annonçant par ailleurs que les 48 prochaines heures seraient décisives pour savoir s’il survivrait. Dans le même temps, Trump se mettait en scène, fatigué mais actif dans les bureaux de l’hôpital. En vérité, Trump rejoue 2016 et souhaite que les médias soient totalement discrédités aux yeux des électeurs de l’élection. Trump a besoin de montrer les incohérences des médias sur sa personne pour mobiliser voire exciter sa base électorale. Et ça marche, malgré des sondages extrêmement négatifs, la majorité des américains est persuadée qu’il sera réélu dans 1 mois alors que les médias expliquent déjà que sa défaite est inévitable. 80% des électeurs ne font plus confiance en ce que disent les médias et il y a même un basculement des audiences vers les médias les plus conservateurs. CNN n’est plus que la 3ème chaîne la plus suivie tandis que Fox News est désormais la chaîne numéro 1 du pays. Avec cette séquence de communication, Donald Trump a encore écrasé l’actualité mais l’Amérique va-t-elle finir par se lasser de ce numéro (de cirque) permanent ?

DIMANCHE 04/10 : La nomination de barrett remise en cause par le covid

Amy Coney Barrett praised by Republican senators ahead of U.S. Supreme Court  confirmation - National | Globalnews.ca

Contrairement à la semaine dernière, les plans de Trump semblent contrariés les uns après les autres. En effet, la cérémonie d’intronisation de la candidature de Barrett à la Cour Suprême a été l’élément déclencheur de la contamination du Président et de la plupart de ses conseillers. Au cours de cet événement, tous les sénateurs républicains étaient présents et, en particulier, ceux qui feront partie de la commission judiciaire devant valider le dossier de Barrett. Si Barrett n’a pas été contaminée, 3 des membres de la commission le sont et ceci met potentiellement les républicains en minorité. En effet, les auditions sont censées débuter le 12 octobre pour un vote au 29 octobre. Si tous les travaux du Sénat sont reportés au 19 octobre, le chef du Sénat compte bien maintenir la date du début des auditions au 12. Il faut s’attendre à une obstruction féroce des démocrates qui feront tout pour faire reporter le vote à après le 3 novembre. En cas de Sénat basculant du côté démocrate, il sera alors très difficile pour les sortants de finaliser le processus de nomination.

LUNDI 05/10 : Le comeback de trump, déjà !

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Et voilà ! Après 3 jours de cinéma, le président Donald Trump a mis fin à son plan de com’ COVID. Il est de retour de manière triomphale à la Maison Blanche : il a vaincu le COVID et les américains ne doivent plus en avoir peur. Comme la grippe, il faudra apprendre à vivre avec. Donald Trump fait donc le choix de ne plus laisser le débat du covid sous le tapis. Il espère que cet épisode créera un léger sentiment d’empathie pour sa personne. Le président compte, à présent, axer sa campagne sur l’idée qu’il comprend ce que vivent ses concitoyens car il a eu le covid et ce n’est finalement pas si grave. Pas sûr que cet énième revirement sur le coronavirus ne l’aide à remonter dans les sondages.

Contrairement à 2016, Trump fait la une mais son message n’imprime pas. Il subit les thèmes de campagne et ne parvient pas à ancrer le débat sur des thèmes qui lui sont chers. Tout tourne autour de sa personne et sa personne ne réunit au mieux que 46% des américains. Insuffisant pour gagner l’élection cette fois-ci. A 4 semaines de l’élection, Trump doit absolument imprimer un thème dans sa campagne et s’y tenir sous peine de subir une belle humiliation. En attendant, Biden continue tranquillement sa non-campagne, bien au chaud chez lui dans le Delaware, à observer le Président se battre seul sur le ring.

A suivre donc, en attendant, je vous souhaite une bonne semaine de campagne à tous.

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