Route 270 : L’Arizona (16/20)

Chaque semaine, je publierai un article sur les états clés qui permettront à l’un des 2 candidats, Biden ou Trump, d’atteindre la barre fatidique des 270 grands électeurs, synonyme d’élection. Seizième chapitre du dossier Route 270 aujourd’hui, avec un focus sur l’Etat de l’Arizona et ses 11 grands électeurs en jeu en 2020. Nous sommes désormais dans le sérieux. J’annonce sur ce blog depuis le début d’année que cette élection sera serrée et ne devrait se jouer que dans 5 à 8 états. Avec l’Arizona, nous attaquons l’un des 5 états républicains que Joe Biden peut réellement faire basculer dans le camp démocrate cette année. Historiquement républicain, l’Arizona est devenu un Swing State par un double effet : la croissance démographique de la communauté latino, plutôt libérale et l’arrivée massive de californiens de la tech’ (démocrates pour la plupart), attirés par les grands espaces et la nature. En 2016, Trump n’avait remporté l’état qu’avec 3 points d’avance sur Clinton. En 2020, il est en retard d’environ 3 points dans les sondages. Il s’agira d’un des états les plus serrés de l’élection et on pourrait attendre des jours avant d’avoir le résultat final… Alors, le président Trump résistera-t-il à cette vague bleue démographique irrésistible ?

Flag of Arizona - Wikipedia

QUELQUES CHIFFRES DE L‘ARIZONA

  • Population : 7 278 717 habitants
  • Capitale : Phoenix
  • Plus grande ville : Phoenix
  • Répartition démographique : 58% blancs, 30% hispaniques, 5% natifs américains, 4% noirs
  • Nombre de grands électeurs : 11
  • Représentation locale : 1 gouverneur, 1 sénateur et 4 représentants républicains ; 1 sénateur et 5 représentants démocrates
  • De quel côté ça penche sur les 5 dernières élections ? : Démocrates 0 – Républicains 5
  • Résultats 2016 : Trump 48,7% Clinton 45,1%
  • Une personnalité : Emma Stone, actrice reconnue à Hollywood et consacrée pour son rôle dans le célèbre film La La Land. Emma Stone a vécu les 15 premières années de sa vie dans le golf de ses parents à Scottsdale. Nous ne savons pas si elle a eu l’occasion de croiser Donald Trump sur ce parcours de golf.
La La Land : Emma Stone nous parle du film ! (Itw vidéo)

HISTOIRE DE L’ARIZONA

Trois tribus amérindiennes se partagent, de 200 à 1450, l’Arizona, le Nouveau Mexique et le Sud de la Californie : les Pueblo ancestraux, les Mogollon et les Hohokam. Ces peuples sont surtout des agriculteurs des plaines qui chassent ponctuellement dans les montagnes. Toutefois, ces 3 peuples disparaissent, de façon inexpliquée, peu de temps avant l’arrivée des européens. Les scientifiques théorisent que la combinaison des guerres, de l’appauvrissement des sols et de la sécheresse seraient à l’origine de leur disparition. 2 tribus les remplacent, certainement descendantes des Hohokam, les Sobaipuri et les Tohono O’odham. Ce sont ces peuplades que rencontrent les conquistadors espagnols en 1539 et c’est potentiellement à cette époque que le nom Arizona apparaît. Il aurait 3 origines possibles : première hypothèse, il s’agirait d’une déformation d’Arida Zona, zone aride en espagnol; seconde possibilité, le nom proviendrait de l’O’odham ali sonak qui signifie « petit printemps »; dernière étymologie envisagée, de nombreux basques se sont installés dans la région vers 1730 et le nom proviendrait du basque haritz ona qui signifie « le bon chêne ». Une très petite colonie espagnole, principalement des missionnaires jésuites, s’installe dans la région. Les jésuites vont convertir de nombreux indiens au christianisme au cours du XVIIIème siècle, non sans résistance. Les premières villes fortifiées de Tubac et Tucson sont construites respectivement en 1752 et 1775. Lorsque le Mexique proclame son indépendance en 1821, l’Arizona devient une partie du territoire de la Nouvelle Californie. Au cours du conflit Mexique/Etats-Unis de 1847 à 1848, l’armée américaine occupe la ville de Mexico et réclame le nord du Mexique. Le traité de Guadalupe Hidalgo entérine cela en 1848. Avec la ruée vers l’Or de 1849, l’Arizona voit sa population connaître un boom et est alors rattaché au territoire du Nouveau-Mexique. Cependant, la guerre de sécession va obliger le gouvernement à séparer le territoire en 2 à partir de 1863. C’est à ce moment-là que l’Arizona devient un territoire à part entière. Prescott est choisie comme capitale avant d’être déplacée à Phoenix.

30 Secondes en Arizona" : aux origines du duel d'OK Corral
Règlement de Compte à OK Corral…

A la suite de la guerre de sécession, de nouvelles tensions apparaissent, cette fois-ci avec les Navajos. En effet, l’activité agricole se développe avec la construction de fermes qui empiètent sur le territoire de la tribu amérindienne. Les Navajos réalisent plusieurs raids meurtriers contre ces fermiers et l’armée américaine est obligée d’intervenir en construisant Fort Apache sur la réserve indienne en 1870 afin d’empêcher ces intrusions. L’agriculture peut alors se développer un temps, mais différentes sécheresses réduisent drastiquement la production à partir de 1900. Cette activité est, par ailleurs, supplantée par la découverte d’argent et d’or dans les mines d’Arizona qui entraîne une ruée vers l’Ouest d’aventuriers plus ou moins fréquentables. L’Arizona reçoit alors son surnom de « Wild West ». De nombreux règlements de compte ont lieu entre hors-la-loi, dont la plus célèbre fusillade des Etats-Unis, le fameux règlement de compte d’O.K. Corral. A la fin des années 1880, la production de cuivre éclipse celle des métaux plus précieux et l’Arizona prend le surnom plus respectable de « Copper State » en 1907. L’Arizona devient le 48ème état de l’Union le 14 février 1912. L’Arizona connaît un boom économique jusqu’à la Grande Dépression de 1929 qui frappe violemment les activités minière et agricole de l’Etat. Toutefois, le développement du tourisme autour de Monument Valley et surtout du Grand Canyon permet à l’Arizona de garder la tête au-dessus de l’eau dans les années 1930. L’armée américaine est particulièrement active en Arizona pendant la Seconde Guerre Mondiale. En effet, l’Arizona sert de base arrière à l’armée qui craint un débarquement japonais en Californie. Des camps de prisonniers sont construits dans l’Etat et accueillent la plupart des japonais vivant aux Etats-Unis. Ils ne seront libérés qu’en 1945.

Monument Valley

Après 1945, la population en Arizona explose, passant de 700 000 habitants à plus de 7 millions aujourd’hui. Cette arrivée massive de nouveaux habitants accélère l’urbanisation autour de la métropole de Phoenix, une des plus grandes villes américaines. Cette croissance démographique s’explique, tout d’abord, par une arrivée massive, à partir de 1960, des retraités du Midwest ou des Etats du Nord de l’Amérique qui souhaitent finir leur vie au soleil. Les promoteurs immobiliers y voient une opportunité et créent de véritables villes de retraités les « retirement communities » totalement adaptées à des personnes de plus de 65 ans. Aujourd’hui, près de 18% des retraités de l’Etat vivent dans ce type de villes. Au tournant des années 2000, une population plus jeune et plus cosmopolite migre en masse vers l’Arizona pour les mêmes raisons que leurs aînés retraités : soleil et tranquillité. Des géants de la tech comme IBM, Motorola, Hughes Aircraft ou Goodyear Aircraft installent des bureaux dans la région de Phoenix et offrent des emplois à cette nouvelle génération. Outre l’activité tertiaire dans les nouvelles technologies, l’Arizona a une économie assez diversifiée qui repose également sur les secteurs des transports et du médical. L’Etat continue à produire du cuivre mais ne représente plus qu’une part minime des emplois. Enfin, l’Arizona est surtout un état extrêmement visité par des touristes des 4 coins du monde, dont votre blogueur préféré (moi…), attirés par les paysages impressionnants et le l’ambiance Far West.

Votre serviteur face au Grand Canyon

L’ARIZONA ÇA SWING !

Si l’Arizona a longtemps été un petit Etat peu observé dans les précédentes élections, il a tout de même produit quelques grandes figures politiques telles que Barry Goldwater ou John McCain, deux républicains, candidats malheureux de leur camp respectivement lors des élections présidentielles de 1964 et 2008. Fidèle aux démocrates jusque dans les années 1950, l’Arizona est depuis quasi toujours fidèle aux républicains. En effet, les personnes âgées arrivées en nombre à partir de 1960, ont fait irrémédiablement pencher la balance du côté des républicains. Seul Bill Clinton en 1996 est parvenu à piquer l’Etat et ses grands électeurs aux Républicains. La situation était alors bien particulière : l’économie était florissante et le président Clinton était particulièrement apprécié par la gente féminine… âgée (pourtant très loin de son cœur de cible mais c’est une autre histoire…). Depuis 2000, l’Arizona est de nouveau un état républicain.

Presidents past and present pay tribute to McCain - POLITICO
John McCain, dernier cowboy de l’Arizona

Toutefois, depuis la moitié des années 2010, la tendance est très favorable aux démocrates. L’augmentation de la part des minorités latino combinée à l’arrivée de jeunes californiens issus de la Silicon Valley renforcent les chances du parti démocrate en Arizona. En 2016, Hillary Clinton n’a perdu l’Etat que de 3,5% mais sans progresser en nombre de voix, Trump avait perdu 5 points par rapport à ses prédécesseurs républicains. La raison ? Trump avait attaqué violemment John McCain, encore sénateur et ancien leader du parti, en l’accusant d’être un lâche de la Guerre du Viêt-Nam. Les électeurs républicains de zone périurbaine avaient préféré s’abstenir que d’apporter leur suffrage à ce candidat républicain iconoclaste. Par ailleurs, en visant particulièrement l’immigration illégale mexicaine, Trump s’était mis à dos la communauté latino de l’Etat. En 2020, les chances de Biden semblent encore meilleures grâce à un renfort de poids : Cindy McCain. La veuve de John McCain a récemment appelé à voter pour l’ancien vice-président démocrate et fait même parti de son comité de campagne. En outre, Trump souffre de sa gestion de la crise du Coronavirus qui lui a fait perdre des voix au sein des électeurs de plus de 65 ans. Tout n’est toutefois pas si négatif pour Trump : il progresse au sein des minorités latino et des natifs américains, très reconnaissant de sa politique économique et beaucoup moins effrayés par le discours dur sur l’immigration. Enfin, la campagne de terrain agressive des républicains apporte des chiffres encourageants sur le front des inscriptions sur les listes électorales. Plus de républicains se sont enregistrés que de démocrates sur cette année 2020, la mobilisation et l’enthousiasme sont donc du côté du président sortant.

LE THÈME DE CAMPAGNE QUI PEUT FAIRE BASCULER L’ÉTAT

Elle était le thème central de l’élection 2016 mais a disparu totalement au profit du coronavirus et de l’économie : l’immigration pourrait, pourtant, être le thème qui fera basculer cette élection en Arizona. L’immigration illégale massive en provenance de la frontière mexicaine est un sujet d’inquiétude majeur pour les blancs et… pour les natifs américains et même les latinos ! En effet, après deux à trois générations sur place, les communautés hispaniques ne souhaitent pas se faire « remplacer » par de nouveaux arrivants cassant les salaires sur le marché de l’emploi et faisant moins d’efforts qu’eux pour s’intégrer. La construction du mur de Trump a progressé au cours du mandat du Président mais n’est toujours pas fini. Voter pour Biden signifierait un retour de l’immigration massive et incontrôlée ce qui ne plaît pas à grand monde ici. Enfin, et il s’agira peut-être de la raison de l’échec de Biden dans la Sun Belt, Joe Biden avait l’occasion d’envoyer un signal fort à la communauté hispanique en nommant une colistière latino mais il a préféré choisir une colistière afro-américaine. Biden juge plus simple de récupérer les territoires de la Rust Belt perdus de justesse en 2016 en s’appuyant sur la mobilisation des minorités noires plutôt que d’essayer de conquérir de nouveaux territoires (Arizona, Texas). Biden a joué la prudence mais il pourrait s’en mordre les doigts le 3 novembre.

US border wall is being sold in Mexico as scrap metal - Insider
A huge wall

3 SCÉNARIOS POUR UNE ÉLECTION

Chaque semaine, je me permettrai un petit pronostic dans l’état clé que je présente. A mi-juillet, j’imagine 3 scénarios d’élection pour Novembre : une élection serrée au national avec une victoire finale de Trump, une élection serrée au national avec une victoire finale de Biden et une élection sanction avec victoire large de Biden. J’écarte le scénario d’une victoire large de Trump qui me parait, du fait de la personnalité clivante de Trump, peu probable. Comme en 2016, j’ai du mal à croire à une victoire tout aussi large de Biden du fait de l’extrême polarité des 2 camps mais comme les sondages nous prédisent pour l’instant ce scénario, je dois sérieusement l’envisager. Voilà ce que ces 3 scénarios impliqueraient pour l’état de l’Arizona :

Scénario 1 : Trump gagne une élection serrée

Dans ce cas de figure, je pense que Trump devrait aussi bien qu’en 2016 à savoir l’emporter avec 2 à 5 points d’avance. Si la situation paraissait mal embarquée en début d’année, les inscriptions sur les listes électorales sont particulièrement bonnes à mesure qu’approche l’élection. L’Arizona basculera certainement dans la décennie 2020 mais pas sous Trump. Trump devrait faire le plein au sein de la communauté latino tout en limitant l’éparpillement de voix républicaines nostalgiques du parti républicain à la McCain/Bush.

Scénario 2 : Biden gagne une élection serrée

Pour ce scénario-ci, ce sera un vrai 50/50. Biden n’a selon moi que 2 stratégies de victoires possibles : récupérer l’ensemble des états de la Rust Belt ou profiter de la crise du COVID pour faire basculer les électeurs âgés de la Sun Belt (Floride, Arizona) dans son camp. J’ai longtemps cru ce scénario plus crédible mais les derniers sondages me font penser que la Floride est peut-être hors de portée pour Biden. L’Arizona reste prenable et il se pourrait bien que ce soit l’Etat qui le sacre en 2020.

Scénario 3 : Biden l’emporte largement

Si Biden l’emporte largement comme l’annoncent encore les sondages, l’Arizona devrait être une de ces plus belles prises de l’élection. Les latinos, les républicains dissidents, les personnes âgées et les habitants de zone périurbaine auront fait le choix de Biden et il peut espérer gagner avec 2 à 5 points d’avance.

Mon Pronostic : 50/50. Biden ou Trump avec moins de 3 points d’écart dans un sens ou dans l’autre.

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