En ce mardi 8 novembre 2022, les américains se rendent aux urnes pour voter lors des élections de mi-mandat ou MidTerms. Comme nous l’avons vu dans l’article « MidTerms 2022 : Mode d’emploi », ces élections sont l’occasion de renouveler la totalité de la chambre des Représentants, 1/3 du Sénat et de choisir les gouverneurs et les secrétaires d’Etat dans plus d’une trentaine d’entre eux. Des référendums locaux sont également organisés sur plusieurs thématiques comme le droit à l’avortement ou la légalisation du cannabis. Les élections de mi-mandat sont, en général, un rendez-vous électoral moins médiatisé que les présidentielles avec une plus faible participation des électeurs. Elles sont presque toujours une catastrophe pour le parti au pouvoir. Cette année, il est très peu probable que les majorités démocrates à la Chambre des Représentants et au Sénat survivent à ce vote. Joe Biden pourrait donc se retrouver dans l’incapacité de faire avancer son agenda politique pour les 2 prochaines années et devrait vivre avec le retour au premier plan de Donald Trump, l’ancien président qu’il a battu en 2020. Après une campagne tout aussi âpre et violente que la présidentielle, je vous propose de jouer les prophètes et d’essayer de deviner à quoi ressemblera le rapport de force demain matin (ou dans 1 semaine, avec le décompte tardif des votes par correspondance). Pour l’occasion, je ne ressortirai pas mon super modèle de la présidentielle mais le constat est toujours le même 2 ans après : les sondages sont toujours aussi peu fiables et la polarisation entre les 2 camps est tellement forte qu’il devrait y avoir plusieurs élections très serrées. Quelle sera l’ampleur de la victoire républicaine ? Donald Trump sera-t-il le grand gagnant de la soirée ? Joe Biden se souviendra-t-il de l’emplacement de son bureau de vote dans le Delaware ? Quelques éléments de réponse dans la suite de cet article.

Les thématiques de la fin de la campagne sont favorables au parti républicain

Dans l’article sur le mode d’emploi des MidTerms, je vous avais partagé les chiffres du sondage de mi-octobre de Pew Research sur les sujets qui compteraient le plus dans l’optique du vote d’aujourd’hui. D’après une étude plus récente de l’Ifop de début novembre, l’économie (81%), les crimes violents (66%) et la santé (65%) sont les enjeux prioritaires des électeurs appelés aux urnes ce mardi. Parmi les sujets que nous avons évoqué dans mes précédents articles, on note que les armes à feu apparaissent en 4ème position des enjeux prioritaires devant l’immigration 5ème. Les modalités de vote occupent la 7ème place et le changement climatique n’apparaît qu’en 10ème position des priorités des américains tandis que l’avortement n’est même plus un sujet majeur pour les électeurs.

Parmi ces thématiques prioritaires, Donald Trump, représentant emblématique du parti républicain, est perçu comme plus efficace que le président Joe Biden pour gérer la crise inflationniste (59% contre 25%), la crise migratoire (51% contre 28%) et la crise sécuritaire (47% contre 35%) soit 3 des 5 enjeux principaux. Seule la santé est un thème porteur pour Biden, jugé meilleur dans la gestion de crise du covid que son prédécesseur (46% contre 37%).

En axant leur fin de campagne sur la démocratie et l’avortement, les candidats démocrates se sont, pour la plupart, trompés de cible et ont vu leur chance de conserver leur majorité diminuer au fil du temps. Joe Biden et Obama ont tenté de rattraper le temps perdu cette semaine en labourant le terrain via des meetings et en mettant en avant le bilan économique et social du président en exercice. Toutefois, le mal est fait pour les démocrates qui perdront sans aucun doute au moins la chambre des Représentants ce soir.

Chambre des représentants : majorité pour les républicains

435 représentants seront choisis aujourd’hui par les électeurs américains. 222 élus sortants sont des démocrates contre 212 qui sont républicains. La majorité des démocrates était déjà extrêmement étriquée en 2020. Depuis la création des élections MidTerms en 1860, 40 élections se sont déroulées dans le pays et 37 fois, le parti au pouvoir a perdu des sièges. En moyenne, le parti au pouvoir perd 30 à 40 sièges aux MidTerms. Dans ces conditions et au vue de la campagne menée par les candidats démocrates, il apparaît hautement improbable que les démocrates conservent 218 de leur 222 sièges, nombre de représentants minimum pour garder la majorité à la Chambre.

Par conséquent, le seul suspense réside dans l’ampleur de la vague rouge. La compilation des sondages sur le site RCP Polls donne le rapport de force suivant : 48% des électeurs comptent voter pour un candidat républicain contre 45% pour un candidat démocrate. A titre de comparaison, en 2020, les démocrates avaient obtenu 50,8% des voix contre 47,7% pour les républicains. On observe que l’écart entre les 2 partis est assez ténu. En effet, la campagne a, encore une fois, été très rude et, depuis l’ère Obama, les partis démocrate et républicain se sont radicalisés. Un électeur républicain ou démocrate ne passe plus aussi facilement d’un parti à l’autre que par le passé. Tout se joue sur la capacité à mobiliser son électorat le jour J (ou avoir une bonne logistique pour les votes par correspondance). Les signaux de terrain laissent penser que les républicains sont très mobilisés et que les démocrates ont un peu moins voté par correspondance qu’en 2020 à la même époque mais les écarts ne sont pas si décisifs que cela. Enfin, sur les 435 sièges en jeu ce mardi, environ 75 vont se jouer à quelques points près dans un sens ou dans l’autre.

Pour ne pas perdre toute ma crédibilité gagnée en 2020, je ne vais pas rentrer dans le détail et vous épargner mon analyse sur la trentaine de circonscriptions qui vont se jouer à 2 ou 3 points près. J’estime que les républicains obtiendront une majorité des sièges sans problème mais qu’il n’y aura pas un tsunami rouge. Les républicains devraient gagner 20 à 35 sièges selon moi. Les dernières tendances me font plus pencher vers le chiffre de 35 plutôt que 20. Si mon estimation est bonne, les républicains remporteraient alors 233 à 248 sièges ce mardi contre 187 à 202 pour les démocrates. Plus précisément, je pense que les républicains auront plus de 240 sièges ce soir, ce qui serait analysé comme une belle victoire par les médias.

Sénat : léger avantage pour les républicains

Cette année, 35 sièges sont remis en jeu lors des MidTerms 2022. 21 sont des sièges tenus par les républicains contre 14 qui sont détenus par des démocrates. Les élections au Sénat n’ont donc pas lieu partout et les résultats sont souvent décorrélés du résultat de la chambre des Représentants. Par exemple, en 2018, Trump était parvenu à gagner 2 sièges au Sénat et à amplifier sa majorité alors qu’il perdait 40 sièges à la chambre des Représentants. Dans cette élection, la personnalité du candidat a beaucoup plus d’importance, surtout si le sortant se représente. En effet, le sénateur est élu pendant 6 ans et est souvent bien connu de ses administrés.

Donald Trump a fait investir pas mal de nouveaux candidats républicains, souvent inexpérimentés et sur une ligne très dure pour faire face à des élus démocrates plus expérimentés et identifiés dans l’opinion publique. Les sondages sont très serrés et il est possible que les démocrates parviennent à sauver leur majorité de très peu. Si je prends une fourchette large, les démocrates devraient remporter entre 46 et 51 sièges tandis que les républicains devraient obtenir entre 49 et 54 sièges. Je vous propose de balayer rapidement les 5 élections à suivre au Sénat.

New Hampshire et Arizona : les sortants démocrates devraient s’en sortir de justesse

Au New Hampshire, la démocrate Maggie Hassan, ancienne gouverneur de l’Etat, fait face à l’ancien général Don Bolduc, soutien de la première heure de Donald Trump et tenant de la ligne conspirationniste sur la présidentielle 2020. Cet Etat est normalement trop modéré pour permettre aux idées plus extrêmes de prospérer. En 2016, Hassan n’avait pourtant été élue qu’avec 1400 voix d’avance. Les sondages actuels donnent actuellement les 2 candidats au coude à coude avec Hassan légèrement en avance d’1,5 point par à rapport à l’ancien militaire. C’est le thème de l’économie qui s’est imposé dans cette circonscription et Bolduc a longtemps été sous estimé par la candidate démocrate du fait de son inexpérience. Même si la dynamique de fin de campagne est du côté républicain, il devrait encore manquer quelques milliers de voix aux républicains dans cette circonscription.

En Arizona, un autre match surprenant se déroule entre un tout jeune candidat républicain de 36 ans, Blake Masters, contre un ancien astronaute, vieux briscard de la politique, le sénateur démocrate Mark Kelly. Là aussi, la campagne de réélection de Kelly semblait être une formalité d’autant plus que Masters est un ultra conservateur qui a pris des positions très anti-avortement au cours de la campagne. Néanmoins, l’Arizona est particulièrement frappé par l’immigration illégale et le bilan du sénateur sur ce thème est jugé médiocre par les électeurs appelés aux urnes. Financé par les caciques du parti, Masters a effectué une remontada ces dernières semaines et se trouve à égalité avec Kelly. Le sénateur devrait tout de même s’en sortir de justesse et je vois les démocrates conserver le siège.

Rapport de force au Sénat : 49 sénateurs Républicains vs 48 sénateurs Démocrates

Pennsylvanie et Géorgie : les modalités de vote seront décisives

La Pennsylvanie est le siège qui semblait le plus prenable pour les démocrates lors de cette élection de mi-mandat. Effectivement, le sénateur républicain sortant ne se représentait pas et le candidat choisi, Mehmet Oz, est un médecin qui s’est révélé être assez médiocre en campagne. Malheureusement pour les démocrates, le candidat John Fetterman a été victime ce printemps d’un AVC qui lui a laissé quelques séquelles cognitives. Lors d’un débat ayant eu lieu fin octobre, Fetterman a été incapable de s’exprimer convenablement face à son adversaire qui le pilonnait sur l’inflation et l’insécurité. Oz est redevenu favori sur le fil mais la Pennsylvanie est l’un des Etats les plus laxistes en ce qui concerne les modalités de vote par correspondance. Les résultats ne devraient pas être connu le soir même et le match sera serré jusqu’au bout. Selon le scénario, l’élection pourrait se finir devant les tribunaux.

La Géorgie pourrait être, à nouveau, le juge de paix de l’élection. Cette année, le sortant Raphael Warnock affronte un afro-américain ancien joueur de football américain Herschel Walker. Sans expérience, Walker a fait plusieurs impairs au cours de cette campagne. Il a été accusé d’avoir financé l’IVG d’une ex compagne ainsi que de violences conjugales. Pourtant, les sondages le placent légèrement en tête et il pourrait faire mieux que résister. Quoi qu’il en soit, la Géorgie a toute les chances de ne pas donner son résultat avant le 6 décembre du fait d’une particularité électorale. Si aucun candidat ne parvient à obtenir 50% des voix, un second tour sera organisé début décembre pour départager les candidats. Au vu des récentes enquêtes d’opinion, il est probable que ce second tour ait lieu.

Difficile de déterminer le vainqueur dans chacune de ces circonscriptions. Républicains et Démocrates devraient en remporter un chacun.

Rapport de force au Sénat : 50 élus Républicains vs 49 sénateurs Démocrates

Nevada : enfin un sénateur Républicain ?

Dernière élection à suivre cette nuit, l’élection sénatoriale du Nevada opposant Catherine Cortez Mastro, la sénatrice démocrate, au challenger Adam Laxalt. D’après les sondages, le Nevada est plus que jamais le Swing State du Sénat puisque Laxalt a 3 points d’avance sur la démocrate. Particulièrement touché par la crise du covid 19, le Nevada a un taux de chômage très élevé par rapport à la moyenne nationale et la hausse des prix pénalise les habitants. En outre, le Nevada est aussi touché par les vagues migratoires venant du Mexique. Tout est donc propice à une victoire républicaine cette année.

Rapport de force au Sénat : 51 sénateurs Républicains vs 49 sénateurs Démocrates

Je vois donc le Sénat basculer de justesse en faveur des Républicains mais les résultats devraient se faire attendre jusqu’au 6 décembre. A suivre donc.

Election des gouverneurs : quels seront les résultats des baby trump et des challengers potentiels de trump ?

36 élections de gouverneur ont lieu aujourd’hui et plusieurs élections seront intéressantes à observer. C’est sur cet échelon d’élections que Trump a le plus soutenu financièrement des candidats républicains de son bord idéologique. Pourquoi ? Les gouverneurs des Etats seront les principaux responsables de la mise en place des processus et modalités de vote au cours de la présidentielle 2024. Ils pourront revoir certaines règles sur le vote par correspondance ou bien ne pas certifier des résultats s’il y a un doute. Plusieurs swing states de 2024 sont en jeu cette année et Trump compte placer ses Baby Trump, des candidats fidèles au président et 100% sur la ligne complotiste de l’élection volée de 2020, à la tête de tous les Etats qui compteront en 2024. Tour d’horizon des duels à suivre.

Sun Belt : la Baby Trump en chef en force ?

C’est du côté de l’Arizona qu’il faudra regarder comment la meilleure des Baby Trump, Kari Lake, s’en sort face à son adversaire démocrate Katie Hobbs. Charismatique, l’ancienne présentatrice télé de Fox News Arizona a fait une formidable campagne de terrain digne de son mentor. Si son adversaire a refusé de débattre, Kari Lake a déjà prévenu qu’elle ne reconnaîtrait pas sa défaite surtout la défaite est due aux votes par correspondance. Peu de risques de défaite pour Lake qui a habilement mené sa barque sur le thème de l’immigration en promettant de reprendre la construction du mur de Trump à la frontière avec le Mexique.

Dans le Nevada, Joe Lombardo, sheriff en poste dans le Clary County, fait face à Steve Sisolak le gouverneur actuellement en poste. Lombardo a fait preuve d’indépendance vis à vis de Trump au sujet de la légitimité de l’élection de Biden mais le milliardaire ne semble pas lui en tenir rigueur. Soutenu depuis le début par le président Trump, Lombardo est très bien placé pour faire basculer le Nevada du côté républicain en menant une campagne sur l’immigration et l’insécurité dans ce swing state que Trump n’est jamais parvenu à remporter aux présidentielles. Une victoire républicaine serait le signe d’une forte poussée du vote républicain au sein de la communauté latino, de plus en plus conservatrice.

Rust Belt : matchs compliqués pour les Baby Trump

Les Etats de la Rust Belt (Michigan, Pennsylvanie et Wisconsin) vont être scrutés avec attention ce soir. Ce sont ces Etats qui avaient permis à Trump de remporter la présidentielle 2016 et c’est dans ces Etats que les modalités de vote par correspondance avaient été le plus critiquées. Dans chacun de ces Etats, les candidats sont des Baby Trump carabinés. Tim Michels porte les couleurs du parti républicain dans le Wisconsin. Homme d’affaires dans le monde immobilier comme son mentor, il a affirmé que le parti républicain ne perdrait plus jamais une élection de l’histoire dans le Wisconsin. Il compte remettre en question les modalités de vote dans cet Etat. Le gouverneur sortant Tony Evers est à touche touche dans les sondages avec Michels et les thématiques économiques risquent de faire pencher la balance du côté républicain mais la victoire n’est pas assurée.

Dans le Michigan, la bataille aura une portée encore plus symbolique pour Trump. Gretchen Whitmer, le gouverneur démocrate, s’était opposée frontalement à Trump pendant la crise du covid en imposant un confinement strict dans son Etat. Visée par une tentative de kidnapping, elle est considérée comme l’une des personnalités les plus haïes par les électeurs républicains. C’est Tudor Dixon, 45 ans, qui a la lourde tâche de détrôner Whitmer. La candidate considère que Trump a gagné l’Etat du Michigan en 2020 et elle est ultra conservatrice. Elle réalise une remontée impressionnante en cette fin de campagne mais il n’est pas sûr qu’elle parvienne à passer devant.

Enfin, dans l’Etat de Pennsylvanie, c’est Doug Mastriano qui relève le gant contre Josh Shapiro. Cet ancien militaire flirte avec le mouvement Qanon et a promis de décertifier le résultat des élections de 2024 si celui-ci n’est pas favorable à Donald Trump. Opposé aux droits LGBT et à l’avortement, il était présent dans la foule qui a marché sur le Capitole le 6 janvier 2021. C’en est un peu trop pour les électeurs de Pennsylvanie qui le placent 8 points derrière dans les sondages. Ce Baby Trump là ne gagnera pas ce soir.

Floride et Géorgie : DeSantis et Kamp, les 2 ennemis de Trump ?

On regardera, également, les résultats en Floride et en Géorgie ce soir pour les comparer aux 4 Etats où se présentent des Baby Trump. En Floride, Ron DeSantis vise la réélection triomphale. Il compte plus de 12 points d’avance sur son adversaire et il veut se servir de cette élection pour se positionner comme la seule alternative à Donald Trump. Si son score est impressionnant et si les Baby Trump échouent dans leur grande majorité dans les autres Etats alors on parlera surement de camouflet pour l’ancien président.

En Géorgie, Brian Kemp fait le match retour contre son adversaire démocrate Stacey Abrams. Il est le gouverneur sur lequel Trump a fait pression pour faire décertifier les résultats de la Géorgie en 2020. Trump a tenté de le faire battre lors d’une primaire mais Kemp y a survécu. S’il gagne largement, il pourrait être un soutien de poids pour Ron DeSantis dans la potentielle primaire républicaine de 2024.

Connaîtrons-nous les résultats dès demain matin ?

En conclusion, les républicains devraient triompher ce soir mais il faudra prendre son mal en patience dans certains Etats qui annoncent que le dépouillement des bulletins pourrait durer 1 semaine. Demain matin, nous devrions y voir quand même assez clair pour les élections des représentants et des gouverneurs. Seul le Sénat pourrait être too close to call, en raison notamment du mode de scrutin en Géorgie. Nous ne serons peut-être pas capable de déterminer si Trump est bien le grand vainqueur de ces MidTerms mais, quoi qu’il en soit, nous embrayerons rapidement sur la présidentielle de 2024 puisque Donald Trump a prévu de faire une grande annonce le 15 novembre prochain. Le cycle des primaires présidentielles commence très bientôt, ça va swinguer !