
A quatre mois et demi du premier rendez-vous de la primaire républicaine (caucus de l’Iowa), un débat est organisé ce mercredi 23 août à Milwaukee dans le Wisconsin. Huit candidats du parti républicain auront deux heures pour se faire connaître auprès des électeurs, l’occasion pour chacun de se démarquer de l’ancien président américain Donald Trump. Ce dernier ne se présentera pas au débat, considérant qu’il a trop d’avance dans les sondages pour se risquer à cet exercice, et sera en interview avec Tucker Carson sur X (Twitter pour les intimes) à la même heure. En l’absence de Trump, ce débat pourrait marquer un tournant dans la course à la… seconde place, en attendant mieux. Revue des challengers et des enjeux de ce premier événement de la campagne présidentielle américaine.
Dans les sondages, Donald Trump piétine ses adversaires

Je vous en parlais dans l’article publié fin mai, après un passage à vide de quelques mois, Donald Trump a repris très (très) largement la tête dans les sondages de la primaire, que ce soit au niveau national (plus de 40 points d’avance contre 15 en février) ou dans les premiers Etats qui voteront en janvier/février 2024 (27 points d’avance dans l’Iowa, 36 dans le New Hampshire et 33 en Caroline du Sud).
Concentré sur son duel avec Biden, Trump déroule sa campagne autour de trois axes : l’économie, l’immigration et ses déboires judiciaires. En effet, contrairement à ce qu’espéraient ses adversaires républicains (et démocrates), Trump semble se renforcer après chaque inculpation. Il en a pour l’instant cinq à son palmarès et les procès vont se chevaucher avec les grandes dates de l’élection :
- La firme Trump est accusée d’avoir fraudé le fisc pendant quinze ans : le procès doit se poursuivre à partir du 2 octobre 2023 ;
- Trump est jugé sur sa responsabilité dans les émeutes du Capitole du 6 janvier 2021 : le procureur Jack Smith a proposé la date du 2 janvier 2024 pour démarrer le procès mais cette date devrait être repoussée ;
- Il est soupçonné d’avoir payé, avec l’argent de la campagne présidentielle de 2016, une actrice porno : le procès est prévu le 25 mars 2024 ;
- Il n’a pas rendu des documents classifiés lorsqu’il a quitté la Maison-Blanche et la CIA vérifie qu’il n’a pas fourni d’informations sensibles à qui que ce soit : le procès commence le 20 mai 2024 ;
- Il lui est reproché d’avoir, en 2020, fait pression sur le gouverneur de Géorgie pour faire annuler le résultat de l’élection présidentielle qui ne lui convenait pas dans cet Etat : la date du procès pourrait être fixée courant septembre.

Pour l’instant, Trump joue la victime et ça marche. L’accumulation des procès résonne avec son discours populiste : à travers lui, les élites s’en prennent à l’américain moyen dont il est l’ultime rempart. Ses adversaires s’accrochent à l’espoir d’une condamnation qui l’empêcherait de poursuivre sa campagne mais au vu du calendrier, la plupart des Etats auront déjà voté dans le cadre de la primaire républicaine avant la conclusion de l’un des procès.

Quels sujets seront abordés au cours du débat ?

Dans la course à la primaire républicaine, il y a désormais 14 candidats. Parmi ceux-là, 8 sont parvenus à se qualifier pour le débat de ce soir. Au cours des deux heures de débat, les candidats vont tenter de se différencier les uns des autres et surtout de celui qui leur fera de l’ombre toute la soirée : Donald Trump.
Au cours de ce débat organisé par Fox News, les candidats seront interrogés sur leurs propositions sur l’inflation (cité comme priorité par 53% des électeurs républicains), l’immigration (cité par 35% des électeurs) et sur leur capacité à battre Biden (25% des citations). Cependant, les différences devraient surtout être remarquées autour des sujets plus secondaires comme la guerre en Ukraine, l’avortement et le soutien ou non à Trump face aux instances judiciaires.
Sans Trump sur l’estrade, tous les coups devraient être permis contre le second Ron DeSantis, en chute libre dans les sondages. Son duel avec Vivek Ramaswamy, entrepreneur milliardaire américain d’origine indienne qui le talonne désormais, sera particulièrement observé ce soir. En cas de déconvenue du gouverneur de Floride, les courbes pourraient bien se croiser avec ses plus proches poursuivants.
Qui seront les débatteurs ?
A peu près toutes les lignes du parti républicain seront représentées ce soir : des Trumpistes, des conservateurs, des néoconservateurs sauce George W. Bush et enfin des candidats plus modérés. Tour d’horizon des 8 gladiateurs.
Ron DeSantis en opération survie

Il sera l’homme à abattre ce soir. Sondages en berne, donateurs qui se retirent car trop à droite ou trop loin de Trump dans les sondages, message qui n’imprime pas, la campagne de Ron DeSantis tourne au DeSaster. Ce soir c’est presque quitte ou double pour lui et les autres candidats guetteront le moindre de ses faux pas. Il devra aussi s’expliquer sur une récente sortie catastrophique. Lors d’une interview, il a qualifié les supporters de Trump comme des « vaisseaux apathiques » incapables de réfléchir par eux-mêmes. Pas sûr qu’il s’en sorte sans faire de plates excuses ce soir.
Vivek Ramaswamy, le nouveau gendre idéal

Entrepreneur de la tech, Vivek Ramaswamy, végétarien d’origine indienne, est encore méconnu auprès d’une bonne partie de l’électorat incapable de prononcer son nom correctement. Excellent communicant, jeune, dynamique et surtout plus grand soutien de Trump (il est ami avec son gendre Jared Kushner), il est parvenu à la surprise générale à dépasser tous les autres candidats dans les sondages et à devenir le troisième homme. Anti-woke et populiste, il a des positions originales sur le conflit russo-ukrainien (il espère casser l’alliance russo-chinoise en pactisant avec Poutine) ou sur la bureaucratie américaine (il souhaite dissoudre le FBI et se débarrasser de 90% des haut-fonctionnaires). Il a tout à gagner dans ce débat et pourrait poursuivre sa progression dans les enquêtes d’opinion.
Mike Pence, le plus expérimenté

L’ancien vice-président de Donald Trump représente le courant conservateur religieux dans cette primaire. A la peine dans les sondages (autour de 5%), Mike Pence est tout de même un excellent débatteur qui maîtrise les sujets géopolitiques. Après avoir longtemps essayé de tenir une position neutre sur Trump, il a rejoint le camp des anti-trumpistes et espère, désormais, attirer les grands donateurs républicains qui abandonnent progressivement DeSantis.
Nikky Haley, la candidate fantôme

Elle fut la première à se lancer dans la course contre Donald Trump en février dernier et c’est à peu près tout ce qu’on a retenu depuis. Seule femme candidate, Nikki Haley peine à imprimer dans cette campagne. Plutôt sur une ligne modérée, elle est appréciée par Donald Trump qui la laisse tranquille. Elle est peut-être candidate à la vice-présidence avec Trump et se place surtout pour la présidentielle de 2028.
Chris Christie, un gros morceau en débat

En 2012, il aurait pu être le Trump des primaires mais il n’avait pas osé se présenter. Candidat en 2016, il avait dévoré Marco Rubio, challenger de Trump, lors des débats. Il avait été ensuite le premier candidat à se rallier au milliardaire. Depuis, l’idylle entre Trump et Christie est terminée et l’ancien gouverneur du New Jersey se présente comme la tête de fil des anti-trumpistes. Adepte de la punchline assassine, il espérait se farcir Trump lors du débat, en son absence qui sera sa nouvelle cible ?
Tim Scott, un candidat à la vice-présidence ?

Le sénateur de Caroline du Sud, Tim Scott, seul candidat noir de la primaire, mène une campagne de terrain efficace dans les Etats qui voteront en premier en 2024. Comme Haley, il représente plutôt l’aile modérée du parti et fait une campagne « positive ». Scott évite les attaques ad hominem et soutient timidement Trump dans ses affaires judiciaires. Quant à Trump, il aime bien Tim Scott et il se murmure qu’il est dans la short list pour devenir son colistier en 2024. Tim Scott devrait donc s’attaquer, gentiment, à DeSantis ce soir.
Doug Burgum, le troisième milliardaire de la primaire

Gouverneur de la Dakota du Nord, Doug Burgum est entré en campagne tardivement sans qu’on en sache trop la raison. Assez peu connu, il semble surtout faire campagne pour se faire un nom en vue de l’élection présidentielle 2028. Il est plutôt trumpiste et devrait se rallier sans trop de problème au président.
Asa Hutchinson, le néoconservateur bushiste

Ancien gouverneur de l’Arkansas, Asa Hutchinson se positionne comme un des plus fervents anti-trumpistes de cette primaire avec Pence et Christie. Ancien conseiller politique de George W. Bush, il représente la vieille école républicaine complètement démonétisée dans le parti, ceux que Trump appelle les RINO (Republican In Name Only). Peu connu, il ne dépasse pas les 1% d’intentions de vote et sa candidature pourrait bien tourner court rapidement.
Ce débat ne sera, certainement, pas aussi décisif que prévu en l’absence de Trump mais est une bonne occasion pour les 8 candidats d’émerger et de peut-être s’affirmer comme le meilleur challenger de Donald Trump. Le débat sera à suivre entre 3h et 5h du matin heure française.
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