
Dans un peu moins d’un an, si les américains apprennent enfin à compter correctement leurs bulletins, nous devrions connaître le 46 ou 47ème président des Etats-Unis ! Alors que 65% des américains se sentent frustrés à l’idée de choisir à nouveau entre Trump et Biden en 2024, il fait désormais peu de doute que nous aurons droit à ce remake. Et dans cette configuration, c’est Donald Trump, inculpé dans 5 procès, qui semble de plus en plus être le favori. En tête dans les sondages, l’ancien président républicain n’a jamais été aussi bien placé avant une élection. Joe Biden peut-il inverser la tendance d’ici l’année prochaine ? Les procès de Trump finiront ils par avoir une incidence sur l’électorat ? Des candidats indépendants parviendront-ils à perturber ce match ? Eléments de réponse.
Trump et Biden seront les candidats de leur camp
La situation que je décrivais dans mon article fin mai n’a pas changé et s’est même amplifiée : Biden et Trump ont tué le match dans chacun de leur parti.
Chez les démocrates, le parti s’est mis en ordre de marche derrière son président : pas de débat, des primaires annulées et des adversaires réduits au silence. C’est ce qui a poussé Robert Kennedy Jr à abandonner sa candidature au sein de la primaire démocrate et à plutôt choisir de se présenter directement à la présidentielle en tant que candidat indépendant. D’autres candidatures insignifiantes se sont rajoutées à la liste mais le président Biden sera bel et bien vainqueur de cette primaire.
Malgré tout, une rumeur persiste dans les rangs démocrates, celle d’un forfait de Sleepy Joe qui retirerait sa candidature, le plus tard possible, en faveur de sa colistière Kamala Harris en raison de son âge avancé. A ce stade, je juge ce scénario improbable mais pas totalement impossible si les sondages sont catastrophiques dans 6/8 mois.

Du côté des républicains, une frange du parti essaie, tant bien que mal, de résister à l’inévitable victoire de Trump. C’est un remake de 2016 avec encore moins de suspense : les donateurs républicains les plus importants tentent de faire pression financièrement sur les candidats encore en lice pour qu’ils se coalisent tous contre l’ancien président. Cependant, comment l’emporter quand Trump obtient déjà plus de 50% des intentions de vote dans la quasi-totalité des premiers scrutins ?
Les candidats républicains, comme Ron DeSantis, semblent se raccrocher à l’espoir d’un rebondissement judiciaire mais, là aussi, aucun procès ne rendra son verdict avant ou pendant la primaire alors… La seule incertitude concerne le moment que choisira le parti pour se rallier derrière le seul candidat capable de battre Joe Biden. Sûrement quelque part entre le 15 janvier (début de la primaire avec le caucus de l’Iowa) et le 5 mars (Super Tuesday). Nous reviendrons plus en détail sur cette primaire dans un prochain article.

Pourquoi Trump domine Biden dans les sondages
En novembre 2022, je vous expliquais dans mon article bilan des Midterms pourquoi Biden était en position de force en cas de match retour face à Trump en 2024. Un an plus tard, la donne a quelque peu changé car Trump a été tout simplement plus à l’écoute de mes conseils que Biden. Eh oui il fallait lire mon article à l’époque !

Plus sérieusement, le match qui s’annonce est d’abord un match de bilans. Or, sur les trois sujets qui préoccupent le plus les électeurs (l’économie/l’inflation, l’immigration et la criminalité), c’est le bilan de Trump qui est considéré comme le plus positif. Pire pour le président sortant, dans un sondage CBS News réalisé par Yougov, les votants potentiels sont 45% à penser que leur situation financière s’améliorerait sous un second mandat Trump contre 18% si Biden était réélu. Par ailleurs, 57% des américains adhèrent désormais à la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique pour lutter contre l’immigration, score le plus haut jamais mesuré dans les sondages. Sur la thématique « plus secondaire » de la politique étrangère, les conflits internationaux en Ukraine ou à Gaza ne profitent pas à Biden. Le mandat Trump n’ayant été perturbé par aucun conflit, 47% des électeurs considèrent que les Etats-Unis seraient plus en sécurité et le monde plus stable sous sa présidence contre 31% pour le vieil oncle Joe.

Deuxièmement, l’âge du capitaine est une préoccupation majeure pour les électeurs. Même si Trump et Biden n’ont que 4 ans d’écart, moins d’un tiers des américains croit Biden capable de tenir la barre en bonne santé jusque la fin de son second mandat (il aurait alors 86 ans) et cela se répercute dans certaines catégories d’électeurs difficiles à mobiliser : les jeunes et la communauté afro-américaine. Difficile de s’extasier pour papy gâteux Joe. En contraste, Donald Trump se sert habilement de ses différents procès pour se victimiser et adopter une attitude revancharde et dynamique. C’est cette nostalgie pour le mandat de Trump, combinée au décalage d’image et d’âge entre les deux candidats qui expliquent en grande partie la progression de Trump chez les indépendants (+13 points), les hispaniques (+15 points) et les électeurs de plus de 45 ans (+ 7 points) et explique pourquoi la résilience de Trump n’est finalement pas si incroyable.

Quels événements peuvent inverser la tendance actuelle ?
Une fois que l’on a présenté cette situation un peu chaotique pour les démocrates, il est important de rappeler qu’un an en politique est une éternité. Il est peu probable que la situation se fige jusqu’au 5 novembre 2024 et je continue à penser que cette élection, comme les deux précédentes, sera très serrée.
Tout d’abord parce que les démocrates disposent encore d’atouts dans leurs manches :
- It’s still the economy, stupid : si l’Inflation Reduction Act adopté l’an dernier finit par casser l’inflation, l’avantage de Trump sur Biden en économie pourrait se réduire considérablement au fur et à mesure de la campagne.
- Build that Wall Joe ! Le parti démocrate se divise actuellement sur la politique migratoire à mener. Les américains souhaitent à plus de 70% un durcissement des mesures pour limiter l’immigration illégale. Si l’administration Biden a le courage de reprendre des mesures de l’administration Trump, il pourrait se présenter comme l’alternative idéale au trumpisme.
- Le pari Kamala Harris : Joe Biden va devoir remotiver sa base électorale. Pour cela, il a sous la main sa colistière, Kamala Harris. Afro-américaine et encore toute fringante (elle va sur ses… 60 ans), elle peut aider à mobiliser l’électorat jeune et les minorités… ou le plomber car elle reste historiquement une piètre candidate en campagne. A suivre en fonction de l’évolution des sondages dans les prochains mois.

Ensuite, Donald Trump reste un candidat avec 5 énormes épées de Damoclès au-dessus de la tête : chacun de ses procès. Alors que les premières délibérations ont à peine commencé et qu’il faut environ 2 ans pour qu’un verdict définitif soit rendu, nous pouvons d’ores et déjà écarter la possibilité d’un Trump emprisonné avant le 5 novembre prochain. Par contre, il n’est pas impossible que Trump soit condamné en première instance dans un ou deux procès avant cette date. Il est à ce jour compliqué de mesurer l’impact que pourrait avoir un tel événement dans la campagne : tout dépendra du moment où cela interviendra dans la campagne et sur quel sujet. Dans les sondages, une condamnation, même provisoire, pourrait lui faire perdre 5 à 10 points… ou aucun si sa stratégie de victimisation continue à fonctionner.

Dernier élément perturbateur de la campagne à venir, trois candidatures indépendantes sont dans les tuyaux. Robert Kennedy Jr, complotiste démocrate que je présentais dans mon article fin mai, Cornel West (à ne pas confondre avec Kanye), personnalité d’extrême gauche soutenue un temps par le parti écologiste, et le parti centriste No Labels qui pourrait être représenté par Joe Manchin (démocrate) et/ou Liz Cheney (républicain) vont tenter de présenter leurs candidatures en novembre 2024.

Il est difficile de dire, à ce stade, qui serait le plus affaibli par ces candidatures : West prendra assurément des voix à Biden, Kennedy peut-être un peu plus à Trump pour son côté populiste et le parti centriste pourrait affaiblir les 2 candidats. Toutefois, se présenter en indépendant est un chemin de croix si on n’est pas milliardaire ou supporté par des centaines de milliers de militants. Il n’est donc pas certain que ces candidatures tiennent jusqu’à la ligne d’arrivée et aient une incidence majeure.

En conclusion, le duel Trump/Biden nous réserve encore plein de rebondissements d’ici l’élection et nous aurons, bien entendu, l’occasion de les suivre sur ce blog.