
Le vent de l’espoir souffle de nouveau chez les démocrates. Avant de remonter dans le train infernal de cette campagne électorale, arrêtons nous un instant pour comprendre comment le parti démocrate a remplacé Joe Biden sans encombre et pourquoi Kamala Harris peut réellement croire en ses chances le 5 novembre prochain.
Joe Biden, un malaise qui vient de loin
En 2020, Joe Biden était le candidat démocrate idéal pour battre Donald Trump. Vieux sage de la politique américaine issu d’un milieu modeste, Joe Biden avait su parler à une partie de cette Amérique normale et « profonde », celle qui réclamait plus de calme, de sérénité et de résultats après 4 ans de tourbillon trumpiste.
Aux américains, Biden avait promis deux choses : réconcilier les deux Amériques qui se faisaient face et redorer le blason des Etats-Unis à l’international avec une présidence apaisée. De réconciliation entre les deux Amériques il n’y a point eu. Quant à la seconde promesse, le 15 août 2021, date du retrait catastrophique des armées américaines d’Afghanistan, a marqué un point de rupture symbolique dans son mandat auprès de l’opinion américaine : il était, désormais, vu comme un président faible.

Sur toutes les thématiques importantes, Biden est apparu, au fil des mois, comme un président timoré et fébrile en comparaison de son prédécesseur, son grand âge n’ayant, bien sûr, rien arrangé. Car si Trump avait bien des lacunes en terme de stature présidentielle, son autorité était reconnue par l’ensemble des électeurs américains.
Incapable de promouvoir les réalisations de son bilan (en particulier économiques, certes, handicapées par l’inflation) et enfermé dans un thème de campagne bien loin des préoccupations de l’électeur moyen (sauver la démocratie américaine du vilain Trump), Sleepy Joe n’a jamais réussi à faire décoller sa campagne présidentielle. Pire, le débat catastrophique du 27 juin a fini par faire ouvrir les yeux aux derniers fidèles du président de 82 ans : il était temps pour le parti démocrate de passer à autre chose.
Mémé Pelosi pousse Pépé Biden dans les orties
Comme expliqué dans l’article précédent du blog, ce débat a dédramatisé la peur de remplacer Joe Biden. Néanmoins, se débarrasser d’un président sortant, vainqueur incontesté des primaires démocrates sans heurts ni fracas semblait relever du miracle. Ce miracle a été rendu possible grâce à l’influence de la personnalité la plus puissante à gauche aux Etats-Unis : Nancy Pelosi. Âgée de 84 ans, Pelosi est une politicienne américaine élue à la Chambre des Représentants depuis 37 ans. Cheffe de file du groupe démocrate à la Chambre de 2003 à 2023, Nancy a marqué de son empreinte la politique américaine en faisant et défaisant les carrières au sein du parti démocrate. Fervente opposante à la guerre en Irak en 2003, Pelosi avait, par exemple, favorisé l’émergence de Barack Obama contre Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle de 2008 en le soutenant financièrement. Pelosi est aussi une amie de longue date de Joe Biden.

Au cours des trois premières semaines de juillet, l’élue démocrate a mené le putsch contre son vieil ami de 40 ans. Coups de fil aux principaux donateurs de Biden pour lui couper ses financements, pressions sur les élus démocrates, Nancy a manœuvré habilement ce coup d’état interne en préparant également le parti à l’union derrière Kamala Harris. Elle a, ainsi, poussé la vice-présidente à choisir Tim Walz, gouverneur du Minnesota, comme colistier. Issu de l’aile gauche du parti, celui-ci permettait à Harris de se rendre à la Convention démocrate sans se mettre à dos ce courant. Kamala peut remercier mémé Pelosi : sans elle, sa campagne n’aurait pas démarré sur d’aussi bons rails.

Pour Harris, le plus dur commence
Avec près de 3 points d’avance dans les sondages sur Donald Trump, Harris progresse de 6 points par rapport aux intentions de vote du président sortant. Dynamique durable ou bulle médiatique ? Kamala dispose indéniablement d’atouts dans ce duel face à Donald Trump.
- Kamala a redynamisé la base électorale démocrate. Parce qu’elle est une femme aux origines afro-américaine et indienne, Harris parle à trois catégories majeures de l’électorat démocrate qui avaient délaissé Joe Biden : les femmes, les minorités et les jeunes. Dans une élection qui se joue à quelques milliers de voix, électriser sa base est nécessaire. 70% des électeurs se déclarent enthousiastes à l’idée de voter démocrate, l’effet Kamala est donc bien réel.
- Harris est plus jeune que Donald Trump. Trump a bâti une partie de sa campagne sur la fébrilité de Biden due à son âge. Avec Harris dans l’équation, Trump est, à présent, le « vieillard » appartenant au passé. Harris en joue habilement en proposant de clore le chapitre trumpiste, idéologie tournée, selon elle, vers un passé révolu.
- Kamala Harris joue la carte du centrisme. Bien que plus à gauche politiquement que Biden, Harris a compris que les américains souhaitaient appliquer la politique de Trump sans Trump, en particulier sur le volet migratoire. Elle a donc durci certaines de ses positions politiques et se présente comme une figure d’autorité intransigeante jouant sur son passé de procureur de Californie.

Cependant, la candidature de la VP n’efface pas certaines faiblesses du parti démocrate :
- Harris reste la candidate sortante au même titre que Joe Biden. Elle a donc un bilan à défendre auprès des électeurs. Pour le moment, Kamala est parvenue à esquiver quelques questions qui fâchent mais il faudra tôt ou tard assumer le bilan impopulaire de Biden.
- Harris est historiquement une piètre candidate en campagne. Comme Joe Biden, Kamala est peu à l’aise dans les débats sans notes et a souvent mené des campagnes électorales laborieuses. Cela ne l’a pas empêché de l’emporter contre Trump en 2020 mais la campagne se déroulait dans un contexte spécial de crise sanitaire. Cette fois-ci, il faudra mouiller le maillot sur le terrain pour l’emporter.
- Harris est en difficulté dans les swing states du Michigan, du Wisconsin et surtout de Pennsylvanie. En dépit de ses très bons sondages au national, Harris est au coude à coude dans les swing states industriels du Nord des Etats-Unis. La candidate pourrait souffrir de son image de californienne déconnectée auprès de la classe moyenne blanche. Si Tim Walz a été choisi pour combler ce manque sur le ticket, Kamala est encore loin d’avoir convaincu cet électorat.

En définitive, Kamala Harris peut y croire ! Son irruption dans la campagne augmente drastiquement les chances du parti démocrate pour cette présidentielle et c’est déjà un exploit tant l’élection semblait pliée d’avance en faveur de Donald Trump. Toutefois, Harris n’est pas la favorite de ce scrutin et elle semble en avoir bien conscience. La dynamique est de son côté mais la campagne ne fait que commencer.