Trump, un colosse aux pieds d’argile (2/2)

Donald Trump est un survivant. L’ancien président républicain est passé au travers de tous les obstacles politiques et judiciaires, de l’attaque du Capitole, où il était donné mort politiquement, aux condamnations médiatiques liées à ses procès. Donald Trump détourne même les balles ! Trump a minutieusement préparé sa revanche mais se donne-t-il vraiment toutes les chances de l’emporter en novembre ?

De mars à juillet, Une revanche sur Biden et les tribunaux

Grâce à une organisation de terrain hors pair et à un flair politique toujours très affuté, Donald Trump a transformé les primaires républicaines en formalité, comme vous avez pu le suivre sur le blog en début d’année.

En outre, les quatre procès lancés contre lui en 2023 ont été une aubaine pour le milliardaire qui a pu aisément asphyxier tous ses adversaires en imposant son thème de campagne fétiche : la revanche des américains face à l’establishment démocrate !

Donald Trump a remporté plus de 95% des délégués des primaires républicaines

Ce thème a continué à le porter au cours du printemps 2024 face à son ancien adversaire Joe Biden. La revanche politique voulue par Trump s’articule alors parfaitement avec les aspirations des électeurs américains. Nostalgiques de l’état économique de leur pays sous la présidence Trump et convaincus par ses mesures contre l’immigration (construire le mur, renvoyer les immigrés illégaux dans leur pays…), les électeurs indécis expriment dans les sondages leur volonté de se faire justice en redonnant un mandat à Donald Trump. Evidemment, l’âge de Biden a aidé le milliardaire à agrandir l’écart entre les deux candidats et surtout à le laminer lors du débat les opposant le 27 juin dernier, entraînant le retrait de son meilleur ennemi, trois mois et demi avant l’élection.

L’année 2024 promettait également un chemin de croix judiciaire pour Donald Trump, que certains voyaient derrière les barreaux avant l’élection. En réalité, Trump a, là aussi, réussi à prendre une revanche judiciaire presque totale. Sur les quatre principaux procès, trois sont repoussés aux calendes grecques. La raison ? Invité à se prononcer sur la demande d’immunité présidentielle totale, la Cour Suprême a approuvé que « la nature du pouvoir présidentiel exige qu’un ancien président puisse disposer d’une forme d’immunité devant des poursuites pénales pour des actes officiels commis pendant son mandat« . Il bénéficie donc d’une présomption d’immunité qui ne peut être levée qu’au cas par cas.

En conséquence, seul le procès le moins sérieux, celui d’une dissimulation comptable pour faire taire l’actrice de films X Stormy Daniels, a accouché d’une condamnation. Néanmoins, le juge saisi de l’affaire a décidé de repousser l’annonce de la sentence au 26 novembre « dans l’intérêt de la justice » , soit trois semaines après l’élection.

Pour les procès liés aux événements du Capitole, aux pressions électorales de Trump en Géorgie et à la rétention de documents confidentiels, les différents juges ont pris acte de la décision de la Cour Suprême et repoussé sine die l’ouverture des procès. Trump ne sera donc pas condamné avant la présidentielle et ne le sera certainement jamais après, quelque soit le résultat.

La Cour Suprême au secours de Donald Trump

13 juillet 2024, Un rendez-vous manqué avec l’histoire ?

Le 13 juillet 2024 restera un événement marquant de cette campagne électorale. Lors d’un meeting en Pennsylvanie, un jeune homme a tiré sur l’ancien président, manquant sa cible de peu. Passé le choc, l’ensemble de la classe politique a exprimé sa sympathie envers Trump ce qui a amené les démocrates à modérer leur rhétorique apocalyptique du trumpisme. Cette union sacrée derrière Donald Trump était une occasion rêvée pour le propulser en tant que héros rassembleur de la nation… Mais on ne change pas un homme de 78 ans.

Trump ou l’art de rater les moments forts

Donald Trump a repris sa thématique de la revanche contre le parti démocrate malgré le moment qui venait de se produire, après avoir choisi notamment un colistier très à droite, J.D. Vance. Les démocrates, acculés, en ont profité pour changer de candidate et nommer Kamala Harris. Harris a proposé une remise à zéro complète du message des démocrates, en prenant acte de la division de l’Amérique. Sa communication, plus légère et moins clivante, encourageait les électeurs à passer à autre chose et à s’unir sur l’essentiel.

Déstabilisé par cette entame de campagne, Donald Trump a rapidement accusé la candidate d’être une marxiste et une folle. En quinze jours, les Américains ont oublié l’attentat contre l’ancien président et ont perdu leurs illusions sur sa nouvelle personnalité. En manquant ce moment unique d’union avec le peuple américain, Trump a sûrement laissé passer une occasion de tuer le match.

JD Vance, un colistier du Midwest radical et inexpérimenté, l’héritier parfait du Trumpisme ?

changement ou apaisement, que choisiront les américains ?

La crise migratoire impacte l’ensemble de la société américaine alignée majoritairement avec les propositions du parti républicain

Le remplacement de Biden par Harris a ébranlé la campagne de Donald Trump, arrêtant nette la dynamique qui le portait en tête des sondages. Cependant, l’ancien président républicain se trouve dans une position bien plus confortable qu’il y a 4 ou 8 ans, pour trois raisons principales :

  1. Donald Trump est perçu comme le candidat du changement. Selon un sondage du New York Times du 6 septembre, 53% des électeurs pensent qu’élire Donald Trump entraînerait un changement majeur de politique contre 25% en cas d’élection de Kamala Harris. Incarner le changement est un atout considérable dans un contexte où les électeurs expriment leur mécontentement à l’égard de la situation économique et politique de leur pays.
  2. L’ancien président républicain est en tête sur les principaux sujets de campagne. 43% des électeurs considèrent l’économie comme leur préoccupation principale, suivie par l’immigration à 21%. Sur ces deux questions, 53% des électeurs estiment que Trump est plus compétent, tandis que 43% préfèrent Harris. Trump a habilement pointé du doigt les revirements d’Harris sur ces sujets lors du débat du 10 septembre.
  3. Trump a professionnalisé sa campagne. Le président républicain a tiré les leçons de son échec de 2020. Gagner en 2024 passe par une vaste organisation de terrain pour inscrire les électeurs sur les listes électorales et collecter des bulletins par correspondance. C’est ce que Donald Trump a entrepris depuis 2021 et les résultats s’en ressentent sur le terrain.
Dynamique des inscriptions électorales dans différents états

Néanmoins, le parti républicain et Trump continuent de souffrir de faiblesses chroniques qui mettent en péril sa reprise du pouvoir en novembre :

  1. L’avortement, le talon d’Achille les républicains. L’avortement préoccupe 14% des électeurs, en faisant le troisième thème de campagne. Harris est jugée plus compétente que l’ancien président sur cette question (54% contre 40%). Donald Trump a adouci sa position en promettant de laisser aux états le choix de leur réglementation sans imposer une interdiction nationale. Toutefois, son colistier et la plupart des dirigeants républicains ont des positions plus strictes, que Kamala Harris utilise habilement pour semer le doute sur ses véritables intentions. Ce sujet a déjà nui aux républicains lors des Midterms 2022.
  2. Le pire ennemi de Trump est lui-même. Le débat de mardi a une fois de plus prouvé que le pire adversaire de Trump est lui-même. Retombant dans tous ses pires travers (refuser de reconnaître sa défaite en 2020, se vexer des problèmes le touchant personnellement), Donald Trump semble incapable de ne pas tout ramener à son ego souvent mal placé. Les Américains n’apprécient pas Trump, seulement ses politiques, et il est trop tard pour changer leur état d’esprit. Sans discipline, Trump peut donc être un poids pour sa propre campagne.
  3. La légère baisse d’enthousiasme des électeurs républicains. Les républicains semblent moins motivés à participer à ce scrutin, une première depuis 2016. Cette baisse d’enthousiasme peut être attribuée aux électeurs ultra conservateurs qui ont eu gain de cause sur le sujet de l’avortement et aux électeurs fatigués du trumpisme et de ses excès au sein de la base républicaine. Dans une élection très serrée, tout petit écart de participation pourrait coûter cher à Donald Trump.

A un peu plus de 50 jours du scrutin, la candidature de Kamala Harris a changé la donne mais l’ancien président reste le favori de ce scrutin. Un favori fragile, arc-bouté sur une stratégie populiste et revancharde qui pourrait déplaire aux indécis dans la dernière ligne droite. Comme en 2020, gagner la bataille des idées ne suffira pas si l’élection tourne une nouvelle fois à un référendum pour ou contre Trump.

Encore 50 jours de campagne…

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