MidTerms 2022 : Mode d’emploi

2022-2024 : nouveau cycle d’élections américaines

Après 1 an et demi de silence, le Believe me Blog reprend enfin du service à l’occasion des MidTerms 2022 qui vont occuper les unes des médias français dans exactement 13 jours. Durant cette longue pause plus ou moins méritée où je m’étais reconcentré sur des élections importantes situées bien plus près de chez moi, les élections présidentielle et législatives françaises, j’ai continué à suivre d’un œil attentif la politique américaine. Nous y reviendrons en détail rapidement, mais, dans un premier temps, je vous propose de vous plonger avec moi dans le merdier… dans le système électoral américain pas toujours très simple à appréhender.

21 mois après la prise de fonction de Joe Biden, 160 millions d’Américains sont appelés aux urnes pour départager les démocrates et les républicains lors des midterms alors que le pays est divisé comme jamais et le dialogue entre les 2 partis quasiment rompu. Les élections de mi-mandat ou midterms prévues le mardi 8 novembre prochain concernent tous les échelons de pouvoir : chambre des Représentants, Sénat, gouverneurs, législatures d’état mais aussi référendums locaux. Elles ont lieu, comme leurs noms l’indiquent, à la moitié du mandat du président américain et jouent le rôle de référendum sur son action. Traditionnellement, il s’agit d’une élection où le parti au pouvoir perd des sièges au congrès et parfois même sa majorité dans l’une ou les deux assemblées. Ces élections de mi-mandat vont également être cruciales pour la prochaine présidentielle 2024 et feront office de duel à distance entre les leaders de chaque formation, Joe Biden et Donald Trump. Quels sont les principaux sujets d’inquiétude des électeurs américains et quel rapport de force sortira des urnes ? Je vous propose de suivre votre guide pour de premiers éléments de réponse.

La chambre des Représentants : Renouvelée intégralement, un changement de majorité très probable

Le Capitole à Washington, siège du pouvoir législatif aux Etats-Unis

La chambre des Représentants est l’une des deux chambres du Congrès Américain, avec le Sénat, qui se partage le pouvoir législatif. Elle est composée de 435 représentants répartis sur l’ensemble des 50 états et élus pour un mandat de 2 ans. Le district de Columbia et les différents territoires américains comme Puerto Rico ont chacun 1 représentant qui n’a pas le droit de vote à la chambre. Pour disposer de la majorité absolue, un parti doit obtenir au moins 218 élus. Les représentants votent les lois fédérales et ont l’initiative sur le vote du budget, le Sénat pouvant amender ou rejeter les proposions de la chambre. Autre pouvoir, la chambre peut élire le Président des Etats-Unis si les Grands Electeurs ne parviennent pas à départager les candidats. Enfin, c’est la chambre des Représentants qui peut mettre en accusation un membre du gouvernement ou le Président (Impeachment). Le procès se déroule ensuite devant le Sénat.

Les élections de mi-mandat à la chambre des représentants sont presque toujours une fessée pour le parti au pouvoir. Sur les 19 dernières élections de midterms, le parti du président a perdu des sièges 17 fois. Obama détient le record de la plus grosse claque avec 63 sièges perdus en 2010. En 2018, Trump avait perdu 40 sièges et sa majorité à la chambre des représentants. A la veille des élections le rapport de force est le suivant : 221 sièges pour les démocrates contre 212 pour les républicains (3 sièges étant vacants).

La composition actuelle de la chambre des Représentants
TAO KIDS

Je reviendrai sur le rapport de force attendu au soir de l’élection le 8 novembre dans un article spécifique sur les sondages. En attendant, on peut déjà dire qu’avec un taux d’approbation de 41% (contre 44% pour Trump à la même époque) et une inflation galopante qui préoccupe les ménages, le Président Biden est mal embarqué pour conserver une majorité à la Chambre des Représentants. Toutefois, la décision de la Cour Suprême de revenir sur la garantie nationale du droit à l’avortement en juin 2022 semble avoir remobilisé l’électorat démocrate qui devrait éviter une sévère déculottée.

Le Sénat : un tiers de la chambre renouvelée, une issue incertaine

Passons au Sénat où la mécanique est quelque peu différente. Composé de 100 membres (2 sénateurs par Etat) élus pour un mandat de 6 ans, le Sénat est renouvelé par tiers tous les 2 ans. Cette année, 35 sièges seront en jeu : 21 sont détenus par les républicains et 14 par les démocrates. La chambre actuelle compte exactement 50 sénateurs républicains et 50 sénateurs démocrates. Les républicains ont donc davantage à perdre dans ce cycle surtout qu’il faut renouveler le tiers élu en 2016 lors de la victoire de Donald Trump. Il s’agira donc d’un véritable test de résilience pour l’ancien président américain et le courant trumpiste. S’il parvient à arracher une majorité au Sénat, sa côte devrait atteindre le zénith surtout que la plupart des candidats nommés sont de fervents soutien de Trump. Côté démocrate, la perte du Sénat serait un sévère coup porté au reste du mandat de Joe Biden qui se retrouverait quasiment dans la position du « lame duck » soit un « canard boiteux » c’est-à-dire un Président empêché de gouverner pour la fin de son mandat et en incapacité de pouvoir se succéder à lui-même, ce qui n’est pas le cas ici même si Joe Biden atteindra l’âge vénérable de 82 ans en 2024.

Joe Biden a un bref moment de lucidité : la suite de son mandat s’annonce compliqué

En effet, le Sénat joue un rôle plus important que la chambre des Représentants dans la Constitution américaine du fait de ces pouvoirs exclusifs et de la durée plus longue du mandat des sénateurs. En plus du pouvoir législatif, le Sénat peut contrôler le pouvoir exécutif : passage en revue des membres du gouvernement, qui sont confirmés ou non par le Sénat, pouvoir de destitution via l’impeachment et élection du Vice-Président dans le cas où il n’y a pas de majorité claire suite à l’élection. Le Vice-Président, Kamala Harris, est d’ailleurs le 101ème membre de cette assemblée et peut voter dans le cas d’un 50/50 sur un texte ce qui est arrivé fréquemment dans le mandat actuel. Enfin, le Sénat peut ratifier les traités et a donc un pouvoir sur la politique internationale.

La composition actuelle du Sénat

Dans la situation actuelle, avec la guerre en Ukraine, l’inflation et la crise migratoire, Joe Biden se passerait bien de devoir négocier sa politique avec des sénateurs républicains revanchards pendant les 2 dernières années de son mandat. Le parti démocrate est donc contraint de l’emporter. Les sondages prédisent, à l’heure où on se parle, un 50/50 avec une dynamique de fin de campagne en faveur des républicains.

Les gouverneurs et les secrétaires d’Etat : des postes clés et des élections à suivre pour 2024

Ce n’est pas fini ! Outre les élections du corps législatif, le 8 novembre verra l’élection de 36 gouverneurs fédéraux parmi les 50 Etats que comptent les Etats-Unis ainsi que l’élection des secrétaires d’Etat dans 27 Etats. Ces postes seront clés dans l’organisation de la prochaine élection présidentielle à deux niveaux. Les secrétaires d’Etat seront chargés de valider les listes de grands électeurs de la Présidentielle 2024. Quant aux gouverneurs, élus dans la plupart des Etats pour 4 ans, ils auront le pouvoir de modifier l’organisation des scrutins dans l’Etat dont ils auront la charge. Ils pourront, par exemple, influencer les règles en place pour le vote par correspondance ou le vote anticipé mais aussi jouer un rôle dans la certification des résultats. Les républicains lorgneront particulièrement sur les Swing States qui ont manqué à la réélection de Donald Trump : Arizona, Michigan, Wisconsin ou Pennsylvanie.

Ron DeSantis osera-t-il défier son maître ?

Par ailleurs, il faudra suivre attentivement le sort de quelques élections, surtout côté républicain où un match indirect opposera Donald Trump à son possible challenger, lors de la future primaire républicaine pour la présidentielle, Ron DeSantis actuel gouverneur de Floride. Si DeSantis l’emporte de manière triomphale en Floride pendant que les candidats trumpistes échouent à conquérir les Swing States de la Rust Belt, Trump verrait sa côte pâlir auprès des militants républicains et les procès en cours à son encontre pourraient finir de couler sa potentielle candidature. Les républicains pourraient alors envisager le trumpisme sans Trump… Nous y verrons plus clair après le 8 novembre.

Les référendums locaux : Accès à l’IVG, cannabis ou port d’arme

Nous arrivons enfin au bout des explications sur les midterms. Imaginez un peu l’horreur pour l’électeur américain moyen devant se présenter dans un bureau de vote dans 13 jours : passer 2h à faire la queue avec différentes communautés qu’il fait semblant d’apprécier, tout cela pour découvrir qu’il ne doit pas voter à une ni même à 2 mais bien à 3 voire 4 élections ! Ca donnerait presque envie de décharger son AR-15 dans l’urne, non ? Surtout si vous découvrez qu’il y a un référendum local contre le port d’arme ! En effet, des électeurs de certains Etats devront se prononcer sur différents référendums dont l’initiative peut être populaire (via un système de pétition) ou bien directement proposé par le pouvoir exécutif de l’Etat en question.

Un assesseur visant au bon déroulement du vote

Rassurons tout de suite ce potentiel électeur, cette année la mode est plutôt aux référendums sur le droit à l’avortement. Certains Etats proposeront aux électeurs de renforcer le droit à l’avortement comme dans le Michigan ou en Californie ou bien de le restreindre fortement comme dans le Montana ou le Kentucky. Seront également au menu des référendums, la légalisation du cannabis dans 5 Etats et l’abolition, symbolique, de toute forme de servitudes dans 5 Etats anciennement esclavagistes.

Quels thèmes préoccupent les américains cette année ?

Maintenant que vous êtes bien équipés pour comprendre les élections de mi-mandat, abordons les enjeux qui occupent l’esprit des électeurs américains. Avec le conflit russo-ukrainien et la sortie de crise sanitaire, les Etats-Unis subissent, comme l’Europe, une forte inflation depuis quelques mois. D’après un sondage de l’institut Pew Research Center, l’économie est le premier sujet de préoccupation évoqué par 79% des électeurs (65% des sympathisants démocrates et 92% des sympathisants républicains). Quand on rentre dans le détail, c’est l’augmentation des prix des produits alimentaires et de consommation mais aussi des prix de l’essence et de l’énergie qui inquiètent le plus les futurs votants (73% et 69% des électeurs s’en inquiètent). Le coût de l’immobilier est également une priorité aux yeux des électeurs. Les américains sont en comparaison bien moins inquiets en ce qui concerne l’emploi puisque la fin du covid a marqué le retour au plein emploi avec un taux de chômage équivalent à celui de février 2020 (3,5%).

Les inquiétudes des ménages américains se portent sur le pouvoir d’achat des biens de consommation et sur l’énergie

Sur le sujet de l’économie, Joe Biden et le parti démocrate ne convainquent pas autant que le parti républicain. Parmi les électeurs plaçant l’économie au top de leur priorité, 47% d’entre eux comptent voter pour un candidat républicain contre 34% pour un candidat démocrate. Cette thématique apparaît donc comme une faiblesse pour le gouvernement tout comme les sujets d’insécurité, d’immigration mais aussi de politique étrangère qui favorisent les républicains. A contrario, le système de santé et le droit à l’avortement sont plutôt des boulets au pied des républicains. Si la Cour Suprême a flatté les milieux conservateurs en redonnant le pouvoir de légiférer sur l’avortement aux Etats fédéraux, elle a réveillé l’électorat démocrate qui s’oppose fermement aux restrictions sur ce sujet. L’avortement divise aussi l’électorat républicain qui n’est plus aussi religieux qu’il y a 50 ans. L’avortement ne fait cependant pas partie des 5 ou 6 sujets majeurs de cette campagne et sans réponses concrètes du gouvernement sur les inquiétudes en matière d’économie, le parti démocrate a peu de chances de s’en sortir avec brio.

L’économie et l’insécurité sont le talon d’Achille du gouvernement Biden qui tente de recentrer la campagne sur les sujets sociaux (Santé) ou sociétaux (Avortement)

Nous reviendrons en détail dans les 2 prochaines semaines, à travers 3/4 articles, sur les 21 mois de présidence Biden qui se sont écoulés en balayant les différentes thématiques qui préoccupent les américains pour cette élection. Nous parlerons aussi de la situation au parti républicain depuis 2 ans et nous prendrons des nouvelles de Donald Trump avant de conclure cette série sur les midterms par un article pronostic en s’appuyant sur les sondages actuels.

Les principaux thèmes qui occupent les esprits

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