Route 270 : Michigan et Nebraska 2nd district (2/6)

Chaque vendredi (ou samedi) jusqu’à l’élection, le dossier « Route 270 » (barre fatidique de Grands Electeurs à atteindre pour gagner l’élection) vous présente les enjeux d’un ou plusieurs états que je juge clé, c’est-à-dire un état pouvant basculer dans le camp démocrate ou républicain le jour de l’élection. Pour ce second numéro, on se penche sur un état et un district. 16 Grands Electeurs que les démocrates doivent absolument emporter pour gagner la présidentielle : ceux du 2nd district du Nebraska et du Michigan !

Nebraska 2nd district : le point bleu de l’Amérique profonde

Comme nous l’avons vu lors du premier numéro de ce dossier, Trump est le candidat de la ruralité et le Nebraska est au centre de cette aire agricole des Etats-Unis. Alors pourquoi cet Etat se trouve-t-il dans la short-list des Etats clés ? Depuis 1992, le Nebraska et le Maine ont choisi d’attribuer des délégués au niveau du district (équivalent d’un gros canton français) plutôt que seulement au niveau de l’Etat : 2 délégués vont au vainqueur de l’Etat et 1 pour chacun des 3 districts en fonction du vainqueur. Seul le district 2 fait office de « swing district » et nous intéresse ici.

Ce district correspond à une zone urbaine, celle de la ville d’Omaha (500 000 habitants), ce qui favorise les démocrates. Si l’économie du Nebraska repose principalement sur l’agriculture, Omaha est un centre industriel et financier (dont le siège de l’entreprise de Warren Buffet), attirant une population jeune, éduquée et diverse en quête d’un coût de la vie plus bas que sur les côtes est et ouest. Les Blancs représentent 2/3 de la population du district tandis que les Hispaniques et Afro-Américains forment un quart des habitants. Ces derniers ont voté majoritairement Biden en 2020 et lui ont permis de remporter le district avec 6,5 points d’avance. Les très rares sondages donnent une avance équivalente à Kamala Harris cette année mais si l’élection est plus serrée qu’en 2020, le district pourrait basculer côté républicain.

Omaha, Nebraska

Malgré l’évolution démographique, le district penche à droite sans être « conservateur à la Trump ». Les habitants s’inquiètent principalement de l’immigration et de l’avortement et le second point va certainement décider du sort de ce district. En effet, le Nebraska se prononcera par référendum pour décider s’il faut interdire l’avortement après le premier trimestre ou l’autoriser jusqu’à la viabilité fœtale, avec des exceptions pour les deux propositions. Cette question mobilisera certainement l’électorat de Harris.

Ce district n’a qu’un seul délégué mais il est crucial dans le scénario où Trump le gagne ainsi que tous les états de la Sun Belt (Nevada, Arizona, Géorgie, Caroline du Nord) car cela créerait une égalité parfaite de 269 grands électeurs entre les deux candidats. Dans ce cas de figure, le milliardaire deviendrait président, ayant remporté plus d’États que Harris. C’est pourquoi les démocrates investissent massivement pour sauver ce point bleu de l’Amérique profonde.

Le Nebraska en quelques chiffres

  • Population : 1 978 379 habitants (665 000 dans le 2nd district)
  • Capitale : Lincoln
  • Plus grande ville : Omaha (ville du 2nd district)
  • Répartition démographique : 75% blancs (-3 vs 2020), 11% hispaniques (+1), 5% noirs (=), 3% asiatiques (+1), 1% amérindiens (=), 5% autres races (+1). Dans le 2nd district : 68% blancs, 13% hispaniques, 10% noirs, 4% asiatiques, 5% autres
  • Nombre de grands électeurs : 5 dont 2 pour l’état, 1 par district
  • Représentation locale : 1 gouverneur, 2 sénateurs et 3 représentants Républicains
  • De quel côté swingue le 2nd district sur les 5 dernières élections ? : Républicains 3 – Démocrates 2
  • Résultats 2020 et 2016 : 2020 Biden 52% Trump 45,5% 2016 Trump 47,2% Clinton 44,9%
  • Agrégateur BMB au 05/10 : Harris 52,3% Trump 44%

Le Michigan, le mur « porteur » bleu de la Rust Belt

Le Michigan, autrefois cœur prospère de l’industrie automobile américaine, est le centre de ce qu’on appelle la Ceinture Rouillée ou Rust Belt. Subissant de plein fouet les délocalisations puis la crise des subprimes en 2008, Détroit et le Michigan peinent encore à se réinventer même si le secteur des nouvelles technologies y est en plein essor depuis quelques années. En raison de ces difficultés, le Michigan est devenu un swing state. Depuis 1972, l’État a voté 6 fois pour les républicains et 7 fois pour les démocrates. Trump l’a emporté d’extrême justesse en 2016 puis Biden a repris l’Etat aux républicains avec 3 points d’avance en 2020.

Detroit

Cette année, le match s’annonce à nouveau très serré entre les deux candidats. En effet, Kamala Harris a des handicaps par rapport à Joe Biden. Contrairement à Biden, qui vient de la classe moyenne blanche, Harris est vue comme une candidate déconnectée des préoccupations des cols bleus de cette Amérique industrielle (encore 20% des emplois dans le Michigan) pénalisée par la mondialisation. Pour la première fois depuis des années, certains syndicats, comme les Teamsters, ne soutiendront pas le vote démocrate. Un autre problème est le conflit israélo-palestinien. Le Michigan, qui compte 4% de musulmans (la plus grande proportion de tous les Etats), voit des manifestations régulières contre le soutien américain à Israël depuis le 7 octobre 2023. Certains électeurs musulmans et jeunes de 18 à 25 ans sont déçus par le parti démocrate et menacent de ne pas voter pour Harris. Un maire musulman du Michigan a même rejoint Donald Trump. Enfin, l’économie et l’immigration préoccupent beaucoup les électeurs de cet état, et le bilan de Trump est mieux perçu sur ces sujets que celui de l’administration Biden/Harris.

L’un des plus grands syndicats du pays Teamsters ne soutiendra pas les démocrates en 2024

Néanmoins, le parti démocrate a aussi des atouts dans sa manche. Le gouverneur démocrate de l’Etat, Gretchen Whitmer, est populaire et fournit à la candidate une armée de bénévoles pour convaincre les électeurs d’aller voter contre Donald Trump. Par ailleurs, l’Etat est progressiste sur l’avortement et, si le Michigan a déjà protégé ce droit via référendum il y a deux ans, Kamala Harris met en avant ce combat pour mobiliser les femmes derrière sa candidature. Parmi le « mur bleu démocrate » (Wisconsin, Pennsylvanie, Michigan), nécessaire à sa victoire le 5 novembre, le Michigan est l’Etat le plus à gauche et son basculement me paraît improbable à ce stade de la campagne. S’il tombe du côté républicain, tous les états de la Rust Belt pencheraient alors pour Trump et Harris verrait ses chances de victoire réduites à néant.

Le Michigan en quelques chiffres

Flag of Michigan - Wikipedia
  • Population : 10 030 331 habitants
  • Capitale : Lansing
  • Plus grande ville : Detroit
  • Répartition démographique : 74% blancs (-3 vs 2020), 14% noirs (=), 6% hispaniques (+2), 3% asiatiques (+1) 1% amérindiens (=), 2% autres races (=)
  • Nombre de grands électeurs : 15
  • Représentation locale : 1 gouverneur, 2 sénateurs et 7 représentants démocrates ; 6 représentants républicains
  • De quel côté swingue le Michigan sur les 5 dernières élections ? : Démocrates 4 – Républicains 1
  • Résultats 2020 et 2016 : 2020 Biden 50,6% Trump 47,8% 2016 Trump 47,5% Clinton 47,3%
  • Agrégateur BMB au 04/10 : Harris 48,4% Trump 47,8%

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